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beaux, tout ce qu’elle peut faire, c’est de les montrer de loin à la multitude, comme des animaux féroces dont il est dangereux de s’approcher.

Aujourd’hui cette même Église, dont je suis bien forcé de parler sans cesse, puisqu’elle est l’unique mamelle, a été lâchée par tous les peuples, sans exception. Ceux qui ne l’ont pas expressément, officiellement reniée, la jugent très âgée et se préparent, en fils pieux, à l’ensevelir de leurs propres mains. Pourvue d’un conseil de famille et d’une armée de gardes-malades, à peu près dans tous les pays qui se croient encore d’obédience papale, quel pourrait être son prestige sur la vagabonde populace des rêveurs ? Il peut se rencontrer quelques rares et aristocratiques individus qui soient en même temps des artistes et des chrétiens, — ce que ne fut certes pas Wagner, — mais il ne saurait y avoir un Art chrétien. Certains d’entre vous, peut-être, se rappellent que cette affirmation me fut reprochée avec amertume par les mêmes penseurs, j’ose le croire, qui reprochent le bourreau à Joseph de Maistre.

S’il existait un art chrétien, on pourrait dire qu’il y a une porte ouverte sur l’Éden perdu et que, par conséquent, le Péché originel et le Christianisme tout entier ne sont que des radotages. Mais cet art n’existant pas plus que l’Irradiation divine sur notre planète, éclairée à peine, depuis six mille ans, par le dernier tison d’un soleil que les Désobéissants éteignirent, il était inévitable que les artistes ou les poètes, impatients de rallumer ce flambeau,