Page:Bloy - La femme pauvre.djvu/186

Cette page a été validée par deux contributeurs.

autrefois, cassé les reins à coups de canne et, depuis cette époque, il vaque à ses insolences coutumières en traînant le râble, assez conforme à une cucurbite où se distilleraient de très sûrs poisons.

Réunion bizarre, si on peut dire avec profondeur que quelque chose soit bizarre. C’est la fantaisie de Gacougnol de grouper ainsi, de temps en temps, les individus les plus disparates.

Qui n’admirerait, par exemple, dans le voisinage immédiat de Léopold et de Marchenoir, la cocasse enveloppe du vieux graveur Klatz, youtre crasseux et puant, mais irréparablement dénué de génie, dont le bafouillage apophtegmatique de brocanteur alsacien est apprécié comme un pharmaque sans rival contre toutes les mélancolies ?

Il fut beau, dit-on. À quelle époque ? justes cieux ! car on lui donnerait bien cent ans. La première fois qu’il est rencontré, on peut se croire en présence d’Ahasvérus. Sa barbe longue, dont le blanc terreux ferait peur à la cendre des os des morts, paraît avoir traîné dix-neuf siècles sur tous les chemins et tous les tombeaux. Malgré leur vivacité apparente, les yeux sont si lointains qu’un télescope, semble-t-il, serait expédient pour les observer. Peut-être, alors, qu’on découvrirait, — tout au fond, — la face morose du bon Titus regardant mourir Jérusalem.

Assurément, de tels yeux durent ensorceler, autrefois, les filles folles de Tyr ou de Mésopotamie, qui venaient jouer de la cithare et du tympanon jusque sous les murs de l’imprenable tour d’Hippicos, pour la damnation du peuple