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passant par Jeanne d’Arc et le dernier Constantin, la mesure est pleine. Mille ans ! N’est-ce pas inintelligible ?

Quand on nous dit que le soleil est quatorze cent mille fois plus gros que la terre et qu’un gouffre de trente-huit millions de lieues nous en sépare, ces chiffres nous paraissent absolument dénués de sens. Même observation pour la durée de telle ou telle période historique. L’homme est si surnaturel que ce qu’il réalise le moins, ce sont les notions de temps et d’espace.

Dix siècles ! cent soixante papes, six cents rois ou empereurs, sans compter les princes barbares, trente ou quarante dynasties et à peu près autant de révolutions qu’il y eut de batailles ! Allez donc vous y reconnaître, fussiez-vous archange !

Massacres, dévastations, villes en feu, villes en prière, populations suspendues à la frange de la robe des thaumaturges, carillons et tocsins, pestes et famines, interdits et tremblements, cyclones d’enthousiasme et trombes d’épouvante pas de halte, même sous les pieds des trônes, nul refuge certain, même dans la Maison de Dieu ! Les Saints, il est vrai, poussent dans les ruines et font ce qu’ils peuvent pour que « ces jours soient abrégés », mais ce sont des jours de vingt-cinq ans, hélas ! et il n’en faut pas moins de quarante.

Carême sans exemple dont la durée, plus encore que la rigueur, met en désarroi la faculté de penser. On conçoit que certains désespérés demandent à Dieu si cette pénitence incomparable était simplement pour aboutir aux