Page:Bloy - La femme pauvre.djvu/18

Cette page a été validée par deux contributeurs.

par de tels prodromes, n’étonna que Chapuis qui, d’abord, se répandit en imprécations contre la terre et les cieux et reconnut ensuite, avec une bonne foi de pochard, qu’il avait eu la bêtise d’être « trop honnête dans les affaires ».

Quant à la source désormais tarie de cette prospérité si éphémère, nul n’en savait rien. — Un petit héritage de province, avait dit vaguement le balancier. Certains bruits étranges, cependant, avaient autrefois couru qui rendaient assez douteuse l’explication.

On se souvenait très bien d’avoir connu cette arsouille avant les deux Sièges, entièrement dénuée de faste et trimballant d’atelier en atelier sa carcasse rebutée de mauvais compagnon.

Subitement, après la Commune, on l’avait vu riche de quelques dizaines de mille francs, dont il avait acheté son fonds.

Si la sourde rumeur du quartier ne mentait pas, cet argent, ramassé dans quelque horrible cloaque sanglant, eût été la rançon d’un prince du Négoce parisien inexplicablement préservé de la fusillade et de l’incendie, l’héroïque Chapuis ayant été commandant ou même lieutenant-colonel de fédérés.

La très mystérieuse et très arbitraire clémence, qui épargna certains factieux à l’issue de l’insurrection, s’était étendue sur lui comme sur bien d’autres plus fameux qu’on savait ou supposait détenteurs de secrets ignobles et dont on pouvait craindre les révélations.

On le laissa donc tranquillement cuver son ivresse de naufrageur et il ne fut pas même inquiété, ayant eu l’art,