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Voici donc sa prière d’enfant qui eût certainement effaré les confiseurs de litanies dans tous les laboratoires de la dévotion achalandée :

— Ma Mère bien-aimée, qui avez été trompée par le Serpent dans le beau Jardin, je Vous prie de me faire aimer la Ressemblance de Dieu qui est en moi, afin que je ne sois pas trop malheureuse quand je me regarderai souffrir.

S’il y a quelque reptile dangereux dans mon voisinage, avertissez-moi par pitié. Mettez-lui sur la tête une couronne de charbons ardents pour que je le reconnaisse à force d’en avoir peur.

Ne souffrez pas que je sois trompée à mon tour sur la qualité d’une humble joie dont la nouveauté m’enivre et qui ne durera peut-être pas autant de jours qu’il en faudrait pour me désaccoutumer de l’humiliation.

Je sais bien, pauvre Mère, qu’on ne Vous aime pas beaucoup dans ce monde que Votre Curiosité a perdu et je me désole en songeant que Votre Nom magnifique est si rarement invoqué.

On oublie que Vous avez dû porter à l’avance tous les repentirs de l’Humanité et que c’est une chose épouvantable d’avoir tant d’enfants ingrats…

Mais depuis que Vous me fûtes montrée par le bon vieillard, je Vous ai toujours parlé avec affection et j’ai senti Votre compagnie dans les heures les plus douloureuses.