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XXIII



Les histoires vraisemblables ne méritent plus d’être racontées. Le naturalisme les a décriées au point de faire naître, chez tous les intellectuels, un besoin famélique d’hallucination littéraire.

Nul ne contestera que Gacougnol est un artiste impossible et Clotilde une jeune personne comme on n’en voit pas. La pédagogie et le platonisme réciproque de leurs façons outragent évidemment la psychologie publique. Marchenoir, depuis longtemps présenté, n’a jamais paru très plausible et les gens qui vont survenir ne seront que très difficilement estimés probables. Un tel récit, par conséquent, s’offre de lui-même, au suffrage des réfractaires, de moins en moins clairsemés, qui réclament le droit de pâture hors des limites assignées par les législateurs de la Fiction.

Au mépris des molécules passionnelles, rien ne présageait encore, après deux mois, que le protecteur et la protégée dussent entrer bientôt dans les bras l’un de l’autre et coucher bonnement ensemble.

Si Gacougnol avait des projets, il n’en soufflait mot et n’y faisait pas la moindre allusion. De son côté, Clotilde flottait à plusieurs millions de lieues du soleil de la convoitise, comme une petite lune blanche heureuse de refléter innocemment un peu de lumière.

La décisive épreuve du bonheur était, d’ailleurs, complètement à son avantage et ne changeait rien à ses