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d’antique farceuse, élevant à droite et à gauche une gueule de Cymodocée des anciens trottoirs, aspirant à la céleste patrie.

— Ma fille ? expira-t-elle enfin, qu’avez-vous fait de ma pauvre enfant ? Et cette réclamation maternelle était comme le plus suprême des souffles passant à travers une flûte parthénienne.

Pélopidas, que l’aspect de cette vieillarde confite emplissait provisoirement de cocasseries, eut, une minute, la tentation de lui adresser la même parole qui avait produit, vingt-quatre heures auparavant, un si surprenant effet et fut sur le point de lui crier : « Déshabillez-vous ! » Mais aussitôt une horrible peur lui vint d’être pris au mot et il se contenta de cette réponse :

— Votre fille est chez elle, probablement. Comme j’aurai besoin de sa pose très souvent et que votre quartier est au diable, je lui ai conseillé de vivre désormais un peu moins loin. C’est pour cela que je vous ai envoyé une dépêche hier soir.

À ces mots, la martyre parut chanceler. Se prenant le front à deux mains, elle poussa ce cri pathétique :

— Ah ! mon Dieu, c’est le dernier coup. Cette fois, c’est bien la fin. Vous me punissez, doux Jésus, pour avoir trop aimé mon enfant. Oh ! mon pauvre cœur !

Ce précieux organe étant devenu, apparemment, trop onéreux pour sa faiblesse, elle jeta autour d’elle des yeux égarés et, aucune âme charitable ne se hâtant de lui présenter un siège, s’avança dans la direction du canapé,