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la MÉDUSE-ASTRUC avec le tonnerre et le tressaillement Toujours le nombre et les quatre pattes du lion qui marche, dans la puissance de ses articulations qui, selon moi, sont le style. Le style, c’est la tournure, donnée par l’organisation. surhumain de sa beauté, il fallait cette poussée du génie pour déchirer le bandeau de l’habitude et me contraindre à regarder, pour la première fois, — dans la lumière transfiguratrice de ce chef-d’œuvre, — sa face d’immortalité !

VI

Ah ! c’est qu’aussi, les grands artistes, — ces extatiques de la Gloire ! — ne connaissent pas nos sensations vulgaires et l’esclavage déshonorant des habitudes de la pensée ! Leur âme est comme un tremplin surnaturel où rebondissent éternellement les générations des peuples, quand elles s’élancent vers la lumière et, quelquefois aussi, quand elles se précipitent à la mort. Verve trop emportée ! on ne se précipite pas d’un tremplin. Les artistes et les poëtes de grande race ne sont jamais tout-à-fait emportés par le torrent des choses humaines. La Jeunesse et la Beauté, — l’orgueil de l’amour et l’orgueil de la vie ! — et le roi de tout l’orgueil humain, l’Amour lui-même, passent devant eux comme les ombres mobiles d’une réalité transcendante dont ils portent en eux les mystérieuses intuitions. Et certes ! on peut dire sans impiété que les Saints eux-mêmes sont à peine plus grands que ces irrésistibles Dominateurs de la vie, parce que la liberté morale est le plus grand ressort et l’axe même de la force du genre humain. Hiérarchie prodigieuse ! Saints et poëtes ! L’humanité tourbillonne sur eux, comme un drapeau sur sa hampe immobile, lorsque Dieu souffle sur la terre la tempête des évènements. Ils ont alors leur vraie mesure au seuil de l’Infini et le genre humain éperdu se presse autour d’eux et les enveloppe comme un manteau. Manteau de gloire et de deuil tout ensemble, de joie et de tristesse, de sang et de larmes ! — toute la pauvre humanité !! — où chaque siècle, en accrochant et déchirant son lambeau, a fait son trou de lumière et percé son rayon d’azur ; manteau scintillant, dans la nuit de l’histoire,