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XV

Mais dût-il mettre au jour, — en attendant ce dernier de ses jours, — un grand nombre de nouveaux chefs-d’œuvre, — et Dieu veuille qu’il en soit ainsi ! — jamais, sans doute, il ne pourra refaire une beauté, une grandeur, un éclat de vie immortelle comme la MÉDUSE. Il ne le pourra pas, parce que le modèle qu’il avait choisi et qui a fécondé son génie ne se retrouvera plus jamais dans sa vie. Il ne rencontrera plus, dans notre monde moderne uniformément misérable, une figure de cette noblesse, de cette hauteur sereine et de cet héroïsme ! Il n’entendra plus le cri de la MÉDUSE ! ce cri muet qui vous entre par les yeux jusqu’au fond du cœur et qu’on ne peut entendre qu’une seule fois ; — ce cri dans les ténèbres de la dernière heure crépusculaire du monde moral expirant, ce cri de l’Idéal assassiné, de la Raison violée, de toutes les grandeurs humaines déshonorées, ce cri du passé, jeté contre la face insolente du Monde par ce Passant de Dieu tombé par aventure au dernier des degrés de l’échelle des siècles. Ah ! comme tout cela va finir tristement et de quelle mort ignoble nous allons mourir ! Ce divin mensonge des grands cœurs altérés d’infinis, cette illusion des joies célestes en attendant la réalité, cette explosion des saints désirs de l’immatérielle patrie dans nos âmes captives, l’Art enfin, l’art sublime va peut-être Grand avenir d’écrivain.... brassez, brassez, brassez !!! puisque vous avez le biceps. quitter la terre et son dernier effort avec son dernier cri, ce sera peut-être celui-là que j’ai voulu jeter dans vos yeux sans flammes, — ô mes déplorables contemporains ! — planter comme une vibration de tonnerre dans vos oreilles insensibles, et qui sera toujours pour moi, et même après la fin de toute poésie et de toute grandeur, — la terrible, la puissante, la miraculeuse MÉDUSE-ASTRUC !


22, rue Rousselet.
Août-Septembre 1875.
Léon Bloy