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l’harmonie de leur propre domination souveraine et le bienfaisant prestige de leur grande manière d’être ; enfin, pour imposer, — même aux sots ! — l’hommage définitif qui doit toujours aller, après tout, à des œuvres comme celle-ci que j’ai appelée la MÉDUSE-ASTRUC et dont le seul souvenir me fait crier encore d’admiration !

IX

Jamais, à coup sûr, une plus belle occasion de chef-d’œuvre ne s’était présentée, ni le spectacle d’une plus belle bataille intellectuelle ! Depuis que les artistes, dans les déchirantes tortures de leurs plus sublimes enfantements, se tordent et se brisent sur les flancs de granit de l’impassible Sphinx de la Difficulté, — jamais, sans doute, il ne dût y avoir, pour aucun d’eux, une plus accablante vision de la faiblesse de l’Art lui-même, lorsqu’ayant enfin brisé sa chaîne et massacré son vautour, il s’efforce de ressaisir le feu céleste Rajeunissement étonnant des vieilles images. de la vie pour quelque nouvelle besogne d’immortalité plus extraordinaire et plus surprenante encore que toutes les autres pour lesquelles la colère des Dieux jaloux l’avait cloué sur son grand mont solitaire. Il n’y eut jamais, dans aucun siècle et dans aucun monde, une physionomie plus mâle et plus fière que celle-ci, plus héroïque et plus calme à la fois, pour résister, par son intensité même, aux enveloppantes étreintes spirituelles d’un art plus acharné et plus profond. Le statuaire de la MÉDUSE était aussi fort que la MÉDUSE était terrible, jusqu’à ce que son triomphe définitif l’eût fait paraître lui-même plus terrible encore. Mais, en attendant, l’attaque et la résistance s’équilibraient avec une incroyable grandeur et faisaient à la pensée le plus prodigieux de tous les spectacles qui se puissent contempler sur la terre. Ô buste étonnant ! image silencieuse d’une