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bien entendu, qui va nous être servi bientôt, n’est-ce pas ? Lucien Descaves. Je l’espère du moins, comme disait un de mes anciens curés, parlant du martyre, qu’il supposait peu probable pour ses ouailles et pour lui-même.

J’ai déjà dit cette rage de prostituer les mots. Précisément, celui de martyre me fait penser aux infâmes sottises de l’heure présente. On est tellement dans la viande et l’abolition du sens des mots est si demandée qu’il suffit de parler de souffrances pour éveiller l’idée de Martyre. Il y a des enfants martyrs, des femmes martyres, il y a même des animaux martyrs. Le sens du mot est absolument détruit.

Ces faméliques athées qui subsistent exclusivement des reliefs d’idées laissés par l’Église sur la table d’or où tous les peuples se sont assis, et qui n’ont pas même la gratitude intestinale des pauvres chiens, — voyez comme ils déshonorent, comme ils ridiculisent cet infortuné Dreyfus qui devrait leur faire tant de pitié ! Ils ne savent lui offrir, dans son épouvantable misère, que le plus sot, le plus répugnant des lieux communs :