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Jour, quelques rumeurs vagues et la plainte prolongée d’un de ces chiens mélancoliques de Maldoror que tourmente l’infini…

À mesure qu’il approchait du berceau d’aristoloches et de chèvrefeuilles où l’attendait l’épouse coupable, son assurance diminuait, sa marche devenait plus incertaine, son tremblement plus irréprimable. À la fin, ses dents claquèrent avec tant de force qu’il craignit d’éveiller les petits oiseaux, et il se sentit tellement pâlir qu’il se demanda s’il n’allait pas teinter les feuilles de sa pâleur, à la manière d’un poisson phosphorescent.



Une main, tout à coup, se posa sur son épaule.

— Je suis là, mon cher amour, disait la voix de madame Rolande.

Et, presque aussitôt, les deux bras de cette femme sans délai se nouèrent autour de son cou, pendant qu’un baiser de vie ou de mort lui mangeait l’âme.

Ah ! le vorace et fauve baiser que c’était-là ! Le jeune homme avait tout prévu, excepté ce baiser fougueux, inapaisable, éternel ; ce baiser odorant et capiteux où passaient les parfums féroces des Fleurs du Mal, les volatils détraquants de la Venaison et les exécrables poivres du Désir ; ce baiser qui avait des griffes comme un aigle et qui allait à la chasse