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exégèse des lieux communs

quatre dents de moins et une gueule qui ressemblait à un paysage forestier de la fin d’octobre, j’ai bien gagné de me reposer.

Parole admirable ! On l’avait toujours vu se reposer, depuis environ trente ans que la bienheureuse mort de ses parents l’avait mis en possession de leur fortune, acquise, disait la rumeur, aux coins des bois. Une tentative de noce, vers son bel âge, avait dégoûté ce garçon qui, de très bonne heure, aima l’argent d’un chaste amour.

Devenu homme pratique, il ne voit dans les passions juvéniles ou séniles que ce qu’elles rapportent au philosophe qui sait en tirer parti. Il a même relevé de ses ruines, on peut le dire, et glorieusement restauré, un historique et centenaire lupanar du temps des derniers Capétiens dont le rendement apanagerait un fils de France. Cette besogne, pourtant, ne l’a pas courbatu, et, comme il parle sans cesse de son repos bien gagné, on est réduit à conjecturer Dieu sait quelles fatigues antérieures qui défient la mémoire des hommes.

— Votre Répandu, m’a dit, l’autre jour, un concentrateur, est simplement un fantôme. Ce qu’il nomme le repos, c’est la mort. Vous savez peut-être qu’il y a des gens qui paraissent vivre et qui sont en réalité des morts. C’est le cas de presque tous les vampires que vous appelez bourgeois. On les croit debout et gesticulant. Ils sont couchés et immobiles. On est persuadé qu’ils parlent ou, si