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exégèse des lieux communs

un saint, avec l’exigence habituelle de la sainteté chez les autres, particulièrement chez les inférieurs, car tel est le cas de ce Lieu Commun, très analogue au précédent. La sainteté est pour les autres, comme la souffrance.

Mais tout s’arrange. Le Bourgeois ne voulant pas et ne devant pas être un saint, il devient nécessaire que d’autres le soient à sa place, pour qu’il ait la paix, pour qu’il puisse digérer et roter en paix. C’est la religion à l’usage des domestiques préconisée par Voltaire, laquelle consiste à mettre son paquet sur le dos des autres.

On remarquera que je ne parle ici que du Bourgeois rudimentaire, du Bourgeois monopétale, si j’ose dire, celui qui « n’a rien contre Dieu » et qui ne pense qu’à ses tripes. Le Ricaneur, préjugeant l’hypocrisie de tout homme qui accomplit un acte religieux et s’efforçant de le poignarder de ce soupçon, sera l’objet d’une mention particulière.

Dans son célèbre Voyage en Chine, M. Huc explique la fréquence extrême du suicide chez les Chinois.


Dans les autres pays, dit-il, quand on veut assouvir sa vengeance sur un ennemi, on cherche à le tuer ; en Chine, c’est tout le contraire, on se tue soi-même. On est assuré de lui susciter, par ce moyen, une affaire horrible. Il tombe immédiatement entre les mains de la justice qui, tout au moins, le torture et le ruine complètement, si elle ne lui arrache pas la vie. La famille du suicidé obtient ordinairement, dans ces cas, des