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derme, je n’avais vraiment pas besoin de ça. Ces choses-là n’arrivent qu’à moi. C’est à croire qu’il n’y a pas de bon Dieu, etc.

Il se fit pourtant servir un verre de bière et finit par s’expliquer. Il avait raté le train de 9 h. 55 et se voyait forcé de renoncer à une affaire d’or. Déjà suffisamment émus avant l’arrivée de ce malchanceux, nous le laissâmes gémir.

À peine dans la rue, une clameur étrangement lugubre et affolée nous apprit l’effroyable catastrophe du rapide si fâcheusement raté par Dodécaton. Ce train venait d’être broyé à quinze cents mètres de la gare et la plupart des voyageurs étaient écrasés ou mutilés.

À la stupeur des gens de la rue qui nous crurent frappés de folie, nous éclatâmes de rire en songeant à notre entrepreneur de sépultures qui continuait sans doute ses lamentations dans le café, et celui de nous qui n’est pas même devenu académicien fit observer, une fois de plus, le discernement infaillible de ceux qui « n’ont pas besoin de ça ».

— Si celui-là avait écopé et qu’il pût parler encore, dit-il en manière de conclusion, sa plainte serait identique, absolument. Les bourgeois ont toujours raison.