Page:Bloy - Exégèse des Lieux Communs, Mercure de France, 1902.djvu/233

Cette page a été validée par deux contributeurs.

enfant, avant tout, absolument. Ménage ta viande, c’est ce que tu as de plus précieux et ça ne se remplace pas. Fais-la durer le plus possible, en jouissant de ton mieux. Il faut ce qu’il faut et la vie est courte. Les curés ont beau parler de la vie éternelle, crois-en ma vieille expérience, il vaut mieux tenir que courir et il est plus agréable de payer la cuisinière que le pharmacien. Pour ce qui est de l’argent, il n’est pas perdu parce qu’on se soigne, au contraire. Il y a des moments où il faut savoir le laisser dormir. On ne se rattrape que mieux sur la clientèle.

Napoléon disait que la santé est indispensable à un général. Eh bien ! qu’est-ce que le commerce, veux-tu me le dire, s’il n’est pas la guerre ? Toute personne qui met le pied dans notre boutique est un ennemi. « Le client, voilà l’ennemi ! » a dit Gambetta, ne l’oublie jamais, mon fils. Le vrai commerce, le commerce bien compris, celui qui mène à la fortune et aux honneurs, consiste à vendre vingt francs ce qui a coûté cinquante centimes, comme font chaque jour les apothicaires les plus honorables. Il est vrai que cela leur est facile, puisque leur marchandise échappe au contrôle du vulgaire. Pourtant, c’est l’idéal.

Tu sais aussi bien que moi que, dans tout ce qui regarde l’alimentation, par exemple, la première chose à apprendre, l’a b c du métier, c’est de ne servir que des saletés, en ayant soin, ai-je besoin