Page:Bloy - Exégèse des Lieux Communs, Mercure de France, 1902.djvu/206

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ponna à l’idée chrétienne de payer généreusement ce qu’il y avait à payer pour elle-même et de secourir de ses tourments les êtres chers que son absence mettait en danger. À partir de cet instant, une force immense lui fut donnée. Sa pauvre âme, portée en haut des douleurs, envisagea sans désespoir les perspectives et les raccourcis de l’enfer. Elle put entendre les malédictions, les exécrations, les mots atroces qui font pleurer les Invisibles, les ricanements qui font apparaître les démons, les cochonneries effroyables, les longs sanglots. Elle put affronter l’obsédante, la terrible plainte des malheureuses appelant leurs pères, leurs maris, leurs enfants, leurs morts. Elle connut le dragon des pleurs sans larmes de la Folie qui ressemblent aux hurlements prolongés des chiens lamentateurs.

Ce qui lui coûta le plus, ce fut la Sottise bourgeoise, empanachée, gueulante et oraculaire des internes ou des médecins, à commencer par le vieux drôle déjà nommé, quand il débobinait, chaque matin, devant les lits, sa palabre filamenteuse. Habituée aux vues supérieures de son mari dont elle avait épousé le mépris sans bornes pour la médecine et les saltimbanques homicides qui s’en prévalent, elle se sentit plus blessée des âneries importantes qui se débitaient sur son corps plein de souffrance que de tout le reste. Le jour où cet onagre sans beauté, ayant aperçu son chapelet, proféra le Lieu Commun d’hôpital : « C’est une