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son insurpassable dignité, les attentions et révérences qui lui étaient dues.

Le comble de l’injure eût été de lui proposer quelque chose à faire. — Oubliez-vous que je nourris ? Me prenez-vous pour une domestique ? se serait écriée cette chambrière immobile harnachée d’un époux savant. L’idée seule en paraissait monstrueuse et n’aurait eu d’équivalent que l’action folle de porter à cuire des pois cassés devant le Saint Sacrement.

Je n’essaierai pas de peindre les extases d’Edgar. Il n’en revenait pas d’avoir une femme qui nourrissait, regardant ça, toute la journée, de sa lèvre pendante et s’indignant avec lyrisme de ne pas voir affluer pour elle et surtout pour lui les viandes rares et les succulents morceaux qu’il avait espéré trouver sur ma table. Car cet helléniste engouffrait comme dans Homère.

J’ai gardé et rempli, trois mois, ce gracieux couple. Dès la première semaine, pourtant, j’en avais assez. Mais c’était l’hiver. Ma femme, qui avait à gagner les calomnies horribles dont on l’abreuva plus tard, me supplia de prendre patience et nous eûmes pitié de l’enfant. À la fin, Dieu se souvint de nous et un double miracle fut accompli. Les vermines ayant cru trouver mieux nous délivrèrent et un subside me tomba du ciel pour payer l’énorme dépense.

Le mois dernier, Edgar, que je croyais dans les