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Il y en avait qui ressemblaient à des chevaux, à des loups, à des cochons, à des crocodiles, à des singes, à je ne sais quels animaux de cauchemar. L’un d’eux, j’ose à peine l’écrire, ressemblait monstrueusement à une punaise.

J’ai vu le corps d’un grand poète qui était mort en pleurant et sur le visage de qui les larmes avaient laissé une double trace.

J’ai vu celui d’un petit enfant semblable à un capitaine des anges qui aurait eu la permission de mourir et qui, les poings fermés et la bouche close, avait l’air d’attendre résolument qu’on l’appelât.

Enfin, j’ai gardé le souvenir effrayant de ce soldat allemand mort en un coin de champ de bataille, en 1870. Il n’était pas tombé, parce qu’on l’avait cloué d’un formidable coup de baïonnette à une porte d’étable. L’arme, très profondément enfoncée dans le bois, après avoir traversé la poitrine de l’homme, n’avait pu en être arrachée, et le meurtrier s’était borné à dégager le canon de son fusil, laissant la victime agoniser comme un chat-huant. Je n’oublierai jamais l’expression d’horreur, d’épouvante et de désespoir de cette face.

Un jour, un jeune bourgeois me montra son beau-père étendu depuis plusieurs heures et environné de tout l’appareil funèbre. Les lettres de faire part avaient été envoyées, toutes les mesures étaient prises, l’enterrement devait avoir lieu le lendemain.

C’était un vieil officier retraité de la bonne épo-