Page:Bloy - Exégèse des Lieux Communs, Mercure de France, 1902.djvu/107

Cette page a été validée par deux contributeurs.
105
exégèse des lieux communs

La malade, assommée de cette scène, tomba dans un délire effrayant d’où on ne pensait pas qu’elle pût revenir. Plusieurs jours et plusieurs nuits, elle vit ce vieux et sa vieille massacrant des êtres humains et vendant leur chair à des restaurateurs ou des charcutiers. Ce fut une obsession continuelle, acharnée, d’une précision, d’une intensité, d’une insistance inouïes. On fut éclaboussé, jusqu’à la nausée et jusqu’à la corporelle horreur, du sang que versaient spirituellement ces propriétaires.

J’ai compris plus tard que cette malade, plus lucide que les clairvoyants, avait VU réellement le passé de ces serviteurs du Démon dans l’incommensurable cliché photographique dont l’univers est enveloppé. Seulement, par l’effet d’une transposition que je suis incapable d’expliquer ou de qualifier, mais dont la certitude est foudroyante, elle avait vu se réaliser objectivement, dans leur forme vraie, des pensées et des sentiments épouvantables.

Elle avait vu l’eau des larmes changée en sang !

Édouard et Rosalie ont été heureusement débarrassés de leur poète. Ils n’ont pas perdu un centime, et même ils ont eu l’habileté de rafler, au déménagement, quelques objets. Comment le ciel ne les aimerait-il pas ? Ils sont bien avec leur curé qui les propose en exemple et ils ne doivent rien à personne, pas même aux Trois Personnes qui sont en Dieu !