Page:Bloy - Belluaires et porchers, 1905.djvu/91

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tin, — le frêle cigalier de Roumestan ou de Tartarin !

En sa qualité de prétendant au généralat du Naturalisme, il allait de soi que Daudet se préparât, de longue main, un état-major. Il a donc fait la chasse aux jeunes, avec fureur, et parfois même à quelques vieux, quand le rabattage des dîners en faisait surgir.

Avec sa chevelure de classique modèle italien, son monocle instable, son cigare dans l’œil et son col rabattu sur une éternelle cravate bleu pâle, il reçoit suzerainement la foule de ses lieutenants présumés.

Il voit défiler Philippe Gille, le réclamier littéraire du Figaro, son ami très-cher, auquel il dédia héroïquement l’Immortel, — en reculant jusqu’à l’égout — les frontières de la platitude et de l’infamie ; Aurélien Scholl, le bibliothécaire furtif et l’éditeur pétulant de tous les anas de France, l’un des quarante journalistes immortellement ferrés à claques, dont s’honore le boulevard ; le jeune Hervieu de la maison Hervieu, Potard et Boucher, — soieries, velours et rubans, — qui fait de l’Edgar Poe meilleur pour la Chambre des notaires ou le Tribunal de commerce et qui voyage ainsi, dans l’art fantastique, en vue probablement d’agrandir la notoriété du comptoir natal ; le braillant et bousculant poète Hérédia, Sisyphe constipé d’un sonnet unique éternellement recommencé et danseur de la Bamboula devant le succès, selon le mot amical de