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mère commune pour se fourrer au-dessous d’eux, leur apportant une œuvre déjà fétide, qu’il s’agissait, — par leurs avis, — d’imbécilliser jusqu’au miracle, de remâcher en toutes ses parties, de triturer à nouveau et de rouler en boudin sur de sales planches ; d’amalgamer avec d’autres cochonneries ramassées partout, de saupoudrer des plus vomitifs calembours, des turlupinades les plus laxatives, des bouffonneries les plus basses, les plus décriées, les plus avariées, les plus éculées, les plus jetées au coin de toutes les bornes mal famées par le dernier de tous les pitres au désespoir.

Cela pour procurer la délectation et le rassasiement d’un public acéphale d’employés de commerce et de petits rentiers, qui redemanderaient peut-être leur argent si on leur servait la cinquantième partie du demi-quart d’un tout petit mot littéraire.

Mais ils peuvent bien être tranquilles avec Daudet. Ce n’est pas lui qui les détroussera du trésor de leur imbécile joie. Si l’auteur de Tartarin sur les Alpes exhibait son âme, on en entendrait sortir la quintessentielle oraison d’amour des littérateurs prostitués :

— Ô doux et clément public, ne me lâche pas, ne porte pas ton saint argent dans un autre lieu de délices. Ô mignonne chérie, foule de mon cœur, mes entrailles sont brûlantes d’amour pour toi et il n’est rien que je ne fasse pour échapper à la damnation de perdre la vue de ton porte-monnaie