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tapissé de son porche à son maître autel du sang d’un peuple écrasé ; ouvert à tous les affronts des souffles et de la rafale, envahi par les tourbillons et les fantômes de la nuit ; mais éclairé vaguement encore, pour la durée d’un instant, par quelques derniers et désespérés luminaires qui agonisent, ainsi que des âmes, sous le grondement victorieux des orgues de la tempête.

Tout à l’heure, ce sera fini à jamais. Les ténèbres folâtreront avec les ténèbres. Ce qui tient encore croulera sans gloire dans l’obscurité sans pardon et le souvenir seulement de ce tabernacle de prières, subsistera dans la pensée de quelques dévots éperdus que la main des Vierges invisibles qui protègent les chrétiens en péril de mort aura soutirés à la catastrophe.

C’est donc une ruine humaine complète que j’ai décidé d’offrir aux mélancoliques, aux saturés de mélancolie, car il n’est point ici d’occasion de ravissement pour les touristes joyeux de la Curiosité ordinaire.

L’inouï, l’affolant, le très-monstrueux poète inconnu dont voici, tout au plus, la trace calcinée, eut cette effroyable aventure de se survivre à lui-même, juste assez de temps pour assister au sac de sa tête et au rongement de ses flancs par un prodigieux vautour, qu’il avait sacrilègement engendré de la Substance des Cieux, sans la permission du Seigneur.