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il y a beau temps qu’on ne le distingue plus du mot aumône qui ne signifie rien du tout, sinon l’acte matériel inspiré par la charité qui veut dire Amour ; et il est écrit que les œuvres, même d’une duchesse ou d’un empereur, n’existent pas sans ce condiment.

Ce nom de la Troisième Personne divine appelle le nom du Pauvre, comme l’abîme invoque l’abîme. C’est vrai qu’on ne peut pas faire un pas dans la vie sans trouver un pauvre, parce qu’on ne peut pas faire un pas sans rencontrer Dieu qui est le vrai Pauvre en ce monde où ne se trouve pas son royaume, et l’oubli, l’omission du pauvre est, par conséquent, le plus énorme attentat dont notre vermine soit capable.

« La gloire de la charité, disait Hello, c’est de DEVINER. » Je n’ai trouvé dans aucun livre purement humain aucune parole qui s’enfonçât dans une comparable profondeur.

Pour ce qui est de la récompense, elle est racontée dans les Évangiles. C’est bien autre chose, en vérité, que l’absence de tout clairon glorieux et de tout applaudissement. C’est la haineuse vocifération d’un peuple entier, c’est l’averse des soufflets et des crachats, et cet ouragan de tortures qui éteignit le soleil et fit chanceler les constellations. C’est enfin, et surtout, le très-saint silence d’un sépulcre gardé par des sentinelles endormies.


17 décembre 1888.