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Les grands quotidiens ont publié avec fracas la liste des donations ou dépenses charitables faites par la duchesse de Galliera, liste d’une exactitude contestable, d’ailleurs, — les vingt-cinq millions, par exemple, donnés à la ville de Gênes pour le creusement de son port, devant être portés au compte du richissime et fastueux époux.

Enfin, cela monte à une centaine de millions. Aussitôt, la presse entière s’incline comme un champ d’avoine sous un vent d’orage. Cent millions ! L’énormité du chiffre ne permet pas autre chose que le balbutiement de l’extase.

Un journaliste, pourtant moins vautré que ses honorables confrères, a rappelé que le duc de Galliera, l’un des plus acharnés constructeurs de chemins de fer qu’on ait jamais vus, avait été mêlé, dans les dernières années de sa vie, à des opérations financières qui furent désastreuses pour l’épargne publique. Ce serait, dit-il, l’origine « touchante » des donations prodigieuses de la duchesse.

Le mot restitutions eût été, sans doute, plus exact, mais qui donc, parmi les eunuques de la chronique, aurait eu la virilité de l’écrire ?

Les spéculations du duc furent assez fructueuses, paraît-il, pour élever sa fortune au chiffre de deux cent vingt millions. Il est difficile de croire qu’une aussi rapide et fabuleuse opulence