Page:Bloy - Belluaires et porchers, 1905.djvu/348

Cette page a été validée par deux contributeurs.

campé, le saliveux et ratatiné pandour des salons aristocratiques, d’un décampement infini. Il s’est envolé des rives terrestres vers on ne sait quels impénétrables néants et s’est soudainement effacé, aboli, d’une manière si définitive, si prodigieuse, qu’on peut mettre au défi n’importe quel virtuose de l’impudente sottise humaine de s’évanouir jamais dans un oubli plus irréparable et plus consolant.

Ce vieil eunuque, éreinteur de tout généreux effort, n’a pas même obtenu l’aumône fétide d’une pauvre tinette de pleurs vidée miséricordieusement par ses confrères sur sa minable charogne. Après un nombre presque infini de jours ignobles, il est mort sous lui, tout à coup, absolument comme il écrivait, et cette suprême déjection n’a produit aucun effet appréciable sur la république des lettres. Les journalistes se sont rués à l’indifférence et, en moins d’une semaine, le gâteux oracle de la vertu littéraire s’est dissipé, pour l’éternité, comme l’empyreumatique fumée d’un ténia dans l’incendie calamiteux d’un laboratoire.

La vie est trop courte, en vérité, pour qu’on ait le droit de se réjouir, un seul instant, du décès de ce patriarche venimeux des imbéciles. Mais cet événement de rien m’a rappelé, tout à coup, l’énorme deuil de l’an passé, lorsque le glorieux écrivain, Barbey d’Aurevilly, s’en alla vers son grand Père des cieux, pleuré par toutes les âmes artistes, étant mort si noble et si pau-