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Quelques-uns disent que je suis plein de talent et même de génie (!). C’est mon droit, peut-être. En conséquence, j’ai crevé de misère pendant dix ans, et c’était bien fait.

J’ai eu des maîtresses, moi aussi. Pourquoi donc pas ? Des femmes un peu moins fines, je vous en réponds, que les sentimentales drôlesses de Bourget.

La première est devenue folle, j’ai recueilli le cadavre incomplet de la seconde sur une dalle d’amphithéâtre, et la troisième, créature exquise, mourut asphyxiée par le tétanos dans des convulsions de démoniaque. Et c’est moi, moi seul, qui fus leur bourreau, dans mon inflexible volonté de ne pas écrire des flagorneries ou des ordures.

D’importantes situations me furent offertes, alors que ma réputation de bête enragée n’était point assise. Un des plus puissants journaux du monde s’ouvrit devant moi, mais il fallait applaudir un blasphémateur de mon Christ. Je fis claquer la porte comme un tonnerre et mon libre choix fut de rouler dans le précipice des agonies.

Pas un ne prit ma défense. Parmi ceux dont la voix était écoutée, il ne se rencontra pas un seul personnage assez fier de cœur pour se déclarer en faveur d’un homme que les plus vils goujats de plume se croyaient le droit de placarder de leurs excréments, parce qu’il avait refusé d’être le compagnon de leur turpitude.

Et naturellement cela continue et continuera,