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métaphores, furent, au fond, des conquérants terribles, talonnant un Maître qui s’était déclaré Lui-même porteur de glaive et d’incendie, et qui les avait embauchés comme des vendangeurs.

Ils se ruèrent, ondoyant le globe de leur propre sang, à l’assaut des peuples, et le Christianisme conculcateur qu’ils ont enfanté peut dire, aujourd’hui, comme le César de Suétone : « Je suis le belluaire fatigué de cet empire ! »

Il est, en effet, bien agonisant, à cette heure, et paraît tout à fait sans force, mais dût-il ramper, à l’instar des lions décrépits, sous le sabot d’un million de brutes, il n’en resterait pas moins le titulaire éternel de la Majesté et de la Souveraineté parmi les hommes.

Les Artistes sont façonnés à la ressemblance de ce Rétiaire des nations et ils furent élus pour partager son destin. Il faut qu’ils naissent, comme lui, enfants de Douleur et qu’ils soient conclamés sur un pavois d’immondices. Puis, quand leur tâche d’Alcides est achevée, il est tout à fait indispensable qu’on les exproprie de tout salaire et qu’ils succombent à la fin sous le piétinement des troupeaux en marche.

II

Car les Porchers ne sont jamais loin et ceux-ci peuvent se vanter d’être des heureux ! Ils savent la langue des bêtes pour les gouverner et