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Le soir tombait, un soir équivoque d’automne :
Les belles, se pendant rêveuses à nos bras,
Dirent alors des mots si spécieux, tout bas,
Que notre âme, depuis ce temps, tremble et s’étonne.

Ce qui peut charmer, ici, le créateur de Des Esseintes, c’est l’indéfini troublant de la suggestion, c’est l’aube lunaire d’une foi d’enfant, dont le branle mystérieux l’enveloppe de tous ses frissons, sans qu’il puisse deviner, cet amoureux des pénombres, — sous la diffuse vibration de cette ariette qui s’en va mourir, — le prochain disque solennel aux clartés d’argent, dont l’âme du pauvre chanteur sera, dans un instant, toute blanchie et illuminée.

Le fait est que toutes les formules de rhétorique solaire seraient déplacées et même inintelligibles, si on les appliquait à Verlaine. Pour ceux qui l’ont lu, son nom seul est évocateur de nitescences crépusculaires et de silencieuses pâleurs. On ne saurait imaginer des poèmes qui se prêtent moins que les siens à la vocifération.

Voyez de quel chuchotement presque inaudible Jésus vient consoler cette âme tremblante :

Et pour récompenser ton zèle en ces devoirs
Si doux qu’ils sont encore d’ineffables délices,
Je te ferai goûter sur terre mes prémices,
La paix du cœur, l’amour d’être pauvre, et mes soirs

Mystiques, quand l’esprit s’ouvre aux calmes espoirs
Et croit boire, suivant ma promesse, au Calice
Éternel, et qu’au ciel pieux la lune glisse,
Et que sonnent les angelus roses et noirs,