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en 1874, c’est-à-dire en pleine effervescence des pèlerinages propitiatoires, des comités catholiques et royaux pour organiser l’ordre moral et régénérer la patrie. Oiseuse fomentation des enthousiasmes décédés et des paroxysmes éteints, dont le souvenir même est, aujourd’hui, complétement effacé.

Le chef-d’œuvre aussitôt fut dénoncé à toutes les vindictes et ce fut au prix de démarches infinies et en considération de l’imposante notoriété de l’écrivain, qu’une ordonnance de non-lieu fut obtenue et que Barbey d’Aurevilly, déjà frustré de son salaire par la saisie, put échapper à je ne sais quelle infamante condamnation.

L’immoralité des Diaboliques fut notifiée surprenante, et des multitudes équitables, à qui toute lecture du livre avait échappé, reconnurent, en bavant de pudeur, que jamais aucun romancier n’avait aussi dangereusement excité la muqueuse des magistrats les plus austères.

Une vraie conspiration fut ourdie en vue d’étouffer la vente, pourtant si précaire, hélas ! des autres ouvrages de l’auteur, et de non cocufiantes épouses trimballèrent en masse leur vertu dans les boutiques, pour intimer aux négociants éperdus de comminatoires défenses. Tout libraire du faubourg Saint-Germain fut avisé que le débit d’un seul tome de ce pestilent élucubrateur serait inexorablement châtié par la désertion de sa clientèle.