Page:Bloy - Belluaires et porchers, 1905.djvu/112

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vaillé à nous fabriquer ce qu’il appelle de la réalité élégante. Il faut convenir que c’est une jolie méthode de travail, bien digne d’un artiste et qui promet de bien agréables résultats.

Ainsi M. de Goncourt, plein de confiance en sa recette, est fermement persuadé d’avoir obtenu, par son moyen, l’exacte photographie de la jeune fille mondaine des hautes classes, « l’être rare, dernier mot de la plus exquise civilisation, orné de toutes les acquisitions et sélections d’une race merveilleusement perfectionnée » et sa préface, qui équivaut à l’action de tirer l’échelle, semble dire : Voilà comme ça se trousse ! On pourra peut-être faire quelque chose de propre à force de m’imiter, mais, dans les siècles des siècles, on ne tirera pas de nouveaux trésors de ce filon que j’ai épuisé.

Cette étonnante préface, qu’il nomme son testament littéraire — et dont on s’est justement moqué, est certainement l’un des plus rares modèles d’infatuation qui se soient produits de notre temps. Appuyé sur la certitude inébranlable d’avoir été un écrivain plus grand que Balzac lui-même, lequel, dit-il, « ne possédait pas un style personnel », il se glorifie d’avoir pondu avec son frère toute la vermineuse couvée naturaliste, d’avoir imposé à la génération présente le goût de l’odieux bibelot du dix-huitième siècle et, enfin, d’avoir propagé en France cet infâme art japonais, matériel et futile, comme un art d’esclaves ou de galériens, qui tend à l’effacement