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vent la Décadence latine !… Je revois ce jour odieux où on me fit dépouiller de tout vêtement : on viola d’un examen de maquignon la nudité de mon corps, on me toucha, on me toisa, comme on eût fait d’un cochon, moi tabernacle d’une âme immortelle, créé à l’image de Dieu, médiateur prématuré de l’Apocalypse !… Mes livres tremblent quand l’uniforme les regarde… Otage de la contemplation dans des mains matérielles, j’étais l’ambassadeur insulté de ce qu’il y a de plus grand au monde, les lettres… Je montre le chevalet de mon supplice pour que l’indignation publique le brise… Voici qu’on ilotise les hiérarques, prenez garde !… Général des livres que j’ai lus, connétable de ceux que j’ai faits, je n’accepterai le métier militaire que lorsque l’état-major acceptera le mien : et puis, qu’il m’égale, je lui donne le défi de finir la phrase inachevée. Je suis de l’armée de la langue, je ne veux pas être opprimé par l’armée du sol. »

J’ai cru devoir finir par ces citations, parce qu’elles résument expressivement le personnage. Ce chef poilu d’hiérophante, bourreau des cœurs, tremble absolument devant la consigne, comme il tremble devant les gifles et comme il tremblerait, sans doute, en présence de n’importe quel danger qui menacerait sa délectable carcasse.

J’ai appris qu’il ne pouvait travailler qu’avec une couronne de laurier sur la tête et une rapière magique par dessus sa robe de chambre. Je m’arrête à ce dernier trait.