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périeures, pour qu’ils fissent venir devant eux la personne arrêtée et s’assurassent de la criminalité des faits mis à sa charge. Les mots d’ habeas corpus qui se trouvaient dans la formule du mandat qu’en pareil cas le magistrat adressait au geôlier, servaient déjà dès cette époque à désigner ces sortes de mandats (writ). Cette faculté, jusqu’alors traditionnelle de demander immédiatement des juges, devint légale. Les juges durent y faire droit. En cas d’absence d’un verdict d’accusation, les mandats d’arrestation, même émanés du roi ou de ses ministres, devaient être annulés.

Injonction était faite aux geôliers et shérifs de renvoyer immédiatement le writ d’habeas corpus aux magistrats dont il était émané, et de conduire en même temps en leur présence les personnes indiquées dans ce writ. Les magistrats, après avoir pris connaissance du mandat dont la sincérité devait leur être attestée par le geôlier et le shérif, procédaient à l’interrogatoire du prisonnier, et au bout de trois jours ils étaient tenus de décider s’il y avait lieu de le mettre en liberté pure et simple ou sous caution, ou de maintenir son arrestation.

Aucune pénalité n’était portée contre les infractions à cet acte. Ses dispositions les plus importantes étaient conçues en termes assez vagues, assez généraux, pour qu’il fût facile de les éluder. Aussi, pendant trente-huit ans que dura cette loi, toutes les fois que l’esprit public sommeilla, la liberté individuelle continua-t-elle à subir de nombreuses atteintes. Lespersonnes arrêtées n’obtenaient qu’à grand-peine connaissance des motifs de leur arrestation. Le mandat d’arrêt ne leur était communiqué que très-difficilement. Des tiers se présentaient-ils en leur nom, on refusait de leur répondre. Le fait de l’arrestation était caché autant que possible. Venait-on à découvrir qu’un individu était réellement détenu dans telle prison, pendant qu’on obtenait un writ d’habeas corpus, l’autorité faisait transférer le prisonnier ailleurs, et lorsqu’on se présentait avec le writ d’habeas corpus, le geôlier déclarait que la personne indiquée dans ce writ n’était plus dans la prison, et refusait de faire connaître le lieu où elle avait été conduite.

Afin de pratiquer plus facilement l’emprisonnement arbitraire, le chancelier Clarendon, sous Charles II, imagina de faire transporter certains prisonniers dans des prisons situées hors de la juridiction des cours de justice d’Angleterre, en Irlande, en Écosse, dans les îles de la Manche, et même à Tanger, qui était alors colonie anglaise. Les magistrats de cette époque n’étaient pas toujours de consciencieux protecteurs des droits des citoyens. Ainsi, en 1670, on les vit refuser systématiquement de juger et même d’entendre un citoyen obscur, nommé Jenker, qu’un ministre avait fait mettre en prison pour avoir tenu des propos séditieux. Les juges des petites sessions trimestrielles refusèrent de s’occuper de lui, parce qu’ils étaient étrangers à son arrestation ; ceux des grandes sessions ne voulurent pas le juger parce qu’ils n’étaient, disaient-ils, obligés de juger que les individus inscrits sur leurs rôles. Enfin, le chancelier à qui on l’adressa ensuite donna pour raison qu’il était en vacance. L’homme fut enfin mis en liberté, mais absolument comme il avait été mis en prison, sans intervention du pouvoir judiciaire.

En 1679, il fut coupé court à cet arbitraire des uns et à ces défaillances des autres, par le fameux acte connu dans l’histoire sous le nom d’habeas corpus act. (16 C. II c. 10.)

Aux termes de cet acte, qui est encore en vigueur, et dont les dispositions principales n’ont été que très-peu modifiées depuis, mais toujours dans un sens très-favorable à la liberté des citoyens, les writs d’habeas corpus doivent être délivrés dans les trois jours. Les magistrats qui ont autorité pour les lancer (depuis 53 Georges III, chap. 100, tous les juges ont ce droit), doivent le faire sur le vu de la copie du mandat d’arrêt, ou sur l’attestation faite par deux témoins, que copie de ce mandat demandée au geôlier a été refusée. Toute personne arrêtée peut exiger copie de son mandat d’arrêt, dans les six heures. Les refus des fonctionnaires chargés de la garde des prisons les rendent à cet égard passibles d’une action en dommages-intérêts de 100 à 200 liv. st., qui n’est pas arrêtée par la mort du prisonnier, et peut être continuée par sa succession et ses exécuteurs testamentaires. Les fonctionnaires sont en même temps privés de leur emploi, et déclarés incapables d’occuper aucune fonction publique.

Les personnes au profit desquelles ont été délivrés des writs d’habeas corpus, sont dans le délai de la loi conduites devant les magistrats qui ont lancé ces writs. Après les avoir interrogées, les magistrats peuvent les mettre en liberté pure et simple, ou sous caution, ou les maintenir en état d’arrestation.

Ces personnes doivent être jugées aux plus prochaines assises du lieu où se sont passés les faits qui ont motivé leur mise en accusation. Le jour des assises venu, si les conseils de la couronne ne se présentent pas pour soutenir l’accusation, le prisonnier est mis en liberté purement et simplement, à moins, cependant, que la couronne ne prouve qu’il ne lui a pas été possible de réunir ses témoins. Mais, faute de se produire dans la session suivante, l’action de la couronne est périmée. Les individus ainsi arrêtés doivent rester dans la prison où ils ont été une fois conduits. On ne peut les transférer dans une autre, qu’en vertu d’un writ d’habeas corpus ou d’une ordonnance quelconque des magistrats. En cas d’Incendie ou d’autre force majeure, les prisonniers peuvent être dirigés en un autre lieu, mais les magistrats doivent en être informés le plus tôt possible. Les personnes remises en liberté soit par suite d’un verdict du jury, soit sur la décision pure et simple du magistrat qui aura lancé le writ d’habeas corpus, ne peuvent être arrêtées de nouveau pour le même fait, sous peine de 500 liv. st. de dommages intérêts