d’aiUears que les gains sur lesquels on comptait se résolvent souvent en pertes, tandis que l’impôt établi sur ces gains présumés, une fois acquitté, n’est jamais remboursé personne ne croira que dans de telles conditions les charges puissent être proportionnelles aux facultés. On voit que l’impOt sur le revenu n’est pas plus que les autres exempt d’inconvénients graves et de difticuités. M. John Stuart Mill, dont on connait l’esprit d’équité et le libéralisme éclairé, et qui a vu fonctionner en Angleterre l’impôt dont il s’agit, dit à ce sujet On peut craindre que cet impôt, qui, en app :ence, est le plus juste de tous, ne soit en réalité plus injuste qu’un grand nombre d’autres qui, au premier abord, semblent bien plus mauvais. Cette considération nous porte à partager l’opinion qui, jusqu’à ses derniers temps, a prévalu habituellement, savoir : que les impôts directs sur le revenu doivent être réservés comme une ressource extraordinaire destinée aux grands besoins nationaux, en présence desquels la nécessité de trouver des ressources nouvelles domine toute les objections’. ·
!) est certain que les inconvénients de cet
impôt seraient d’autant plus manifestes qu’on aurait à lui demander davantage ; car le défaut de sincérité des déclarations s’accroitrait infailliblement en même temps que la charge, et
s’il fallait, en le substituant à tous les autres impôts, lui faire produire tout ce qu’absorbent aujourd’hui les énormes dépenses publiques de la France et de l’Angleterre, il serait bientôt jugé absolument intolérable.
L’une des questions qui ont été le plus souvent débattues est celle de l’impôt progressif, c’est-à-dire d’un impôt dont le taux pour cent, au lien d’offrir une proportion simple et uniforme pour tous les revenus, s’élèverait à mesure qu’il aurait à s’appliquer à des revenus plus considérables. Les partisans de ce système s’appuient généralement sur la considération que l’impôt doit, autant que possible, demander à chacun un sacrifice égal, relativement à l’étendue de ses moyens d’existence ou de bien-être, et qu’un sacrifice de tOO fr., par exemple, est beaucoup plus important pour celui dont le revenu est borné à 1,000 fr., que ne l’est, pour celui qui jouit de 100,000 fr. de rentes, nn sacrifice proportionnel de 10,000 fr., par la raison que le premier de ces sacrifices impose des privations relatives à des besoins incomparablement plus urgents que ne le sont ceux restreints par le dernier.
Cette conception a soulevé une multitude d’objections, et d’abord, des tentatives de réfutation arithmétique. On a prétendu que l’application de taxes progressives aux revenus de tous les degrés était impraticable, parce qu’elle arriverait à absorber entièrement les plus forts revenus ; ceux qui ont soutenu cette objection, très-souvent reproduite malgré son excessive pnéri)ité, n’ont pas pris garde que l’on pouvait choisir entre un grand nombre de systèmes de 1. PriKcfpet d’économie poMt~ue. Traduction de Mt. Dossard et ConrceUe-Seneait, t. H, p. 4M. progression différents, et qu’un impôt qui, par exemple, ne s’appliquant qu’aux revenus supérieurs à 2,000 fr., prélèverait sur le surplus de cette somme 3 p. 100 jusqu’à 10,000 fr. de revenu, 4 p. 100 sur le surplus de 10,000 fr. jusqu’à 20,000, 5 p. 100 sur le surplus de 20,000 jusqu’à 30,000 fr., et ainsi de suite, n’arriverait à prélever sur les derniers i 0,000 fr. complétant un revenu de 100,000 fr., que 21 p. 100, soit une somme de 7,440 fr., sur ce revenu entier, ou une moyenne d’un peu moins de 7 p. 100.
On s’est ensuite élevé avec force contre la pensée, que l’on attribuait à tous les partisans du système progressif indistinctement, de vouloir opérer par l’impôt le Mt’MMentey~ des fortunes ; s’écarter de )a simple proportionnalité de l’impôt, a-t-on repété bien souvent, ce serait tomber dans le communisme, dans la spoliation, la désorganisation sociale, etc. Une autre objection, plus sérieuse que les précédentes, a été tirée de l’effet que pourrait produire, quant à Ja dissipation ou à l’exportation des capitaux, une taxe qui, au delà d’un certain chiffre de revenu, réduirait trop l’intérêt que l’on pourrait avoir à conserver le surplus mais un tel effet ne serait à redouter que si l’on adoptait une progression exagérée. Si nous avions des impôts modérés, peu gênants pour les travaux et les transactions utiles, et véritablement répartis dans la proportion des facultés contributives de chacun, il n’y aurait peut-être pas à rechercher d’autres conditions ; mais on sait combien nous sommes loin d’une telle situation, et si, à partir des classes aisées jusqu’aux plus opulentes, on parvenait à imposer le revenu selon une progression raisonnable, telle à peu près que celle que nous venons de supposer, en affectant intégralement le produit du nouvel im~ôt à la suppression ou à l’atténuation des charges existantes les plus dommageables et les moins équitables, il est extrêmement probable que l’on ne ferait ainsi que corriger en partie les inégalités résultant de l’état actuel, inégalités qui, par l’effet des taxes pesant sur les consommations les plus usuelles, sont généralement en faveur des classes auxquelles nous supposons que le nouvel impôt serait demandé. 11 nerésulteraitassurément d’une semblable mesure, si elle étaitreconnue praticable sans de bien plus grands inconvénients que ceux tolérés dans les autres impôts, ni spoliation, ni perturbation sociale, et elle serait, an contraire, de nature à atténuer l’injustice de la répartition actuelle des charges publiques. Au surplus, le système progressif, entendu comme peuvent le faire les esprits sensés, a pour lui d’imposantes autorités Montesquieu l’adopte complétement comme le seul équitable Adam Smith et J. B. Say l’approuvent également 1 ; Jérémie Bentham l’appuie aussi, dans le sens où rtKcome-~a.c l’applique en 1. Esprit de* loir, Uv. ml, ahap. vu. Z. ~oy. CoMft cempM de J. B. Sey, Mit., t. B~ p.ses.