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hautes charges politiques et civiles imprime à l’individu.

Lorsque la société féodale eut remplacé définitivement et la société antique et les sociétés imparfaites qui lui succédèrent jusqu’à la complèle dissolution de l’empire de Charlemagne, ce vieux mot subit nu rajeunissement admirable. Chaque société enfante ses vertus partitCuhéres, qu’elle ajoute à ce fonds de vertus é)émentaires qui est commun à toute ]a race humaine. Lhonneur fut la création vraiment [)rigi)ia)e de iajsociété féodale ]ej6~’au moral qu’elle ajouta à )a richesse de l’âme numaine c’est un sentimcut inconnu avant elle et dont aucune civilisation antérieure ne donne l’idée la plus lointaine. ii sortit des moeurs et des principes de la chevalerie dont il fut le résultat Icpiuspur,]eptusnetetleptus)umincux. L’honneur, ce n’est plus cette sorte d’éclat qui rejaillit des fonctions sur t homme. c’est un éciat tout moral qui rejaillit de la vie i~téneijre (le rame sur la personne extérieure, qui ~’enveloppe tout entière comme d’une atmosphère invis~ic pour ]a protéger et la détendre. L’honneur de l’individu, c’est )’œu’remémede rame, le renom qu’elle se crée, i armure protectrice dont elle s’entoure (t qu’elle met un soin persévérant et délicat à ne laisser jamais souiller ni ternir. Il s’unit pour l’individu de préserver et contre lui même et contre les antres cette renommée qu’il s’est acquise ou qui lui a été transmise avec le sang comme un héritage plus précieux que la richesse et le pouvoir. Rien n’est ph.s difucite à conquérir et /.à créer que cette renommée, ~ar l’individu ne f l’acquiert qu’à force de mérites’de vertus ; rien n’est plus fragile et plus facile à perdre ; car une fois créée. elle n’est plus entièrement en notre possession, elle nous échappe et elle dépend en partie d’influences extérieures auxquelles il faut la disputer. L’honneur oblige donc l’individu à un pei-pétuel examen de conscience et en même temps à une lutte défensive incessante contre le monde, qui n’ont d’égal que l’examen de conscience et les luttes du chrétien contre les piéges du prince de tout mal.

Cette vertu nouvelle de l’honneur, en s’établissant dans )’âme humaine, en changea pour ainsi dire le tempérament comme elle en changeait les mœurs et le régime moral. Elle y créa des délicatesses exquises et des infirmités maf ladives elle y développa une sensibitité d’une prodigieuse finesse, et une susceptibilité ombrageuse presque voisine du ridicule. Aux classifications toujours un peu sommaires des

actions permises ou défendues par l’antique morale, elle en ajoula de nouveUes, singulièrement minutieuses, et enfanta ainsi, à côté de la casutstique scolastique, une sorte de casuistique mondaine, à laquelle le langage ne craignit pas de donner le nom de religion. La religion de f/ ;<MMeK~ cette expression de nos pères qui est venue jusqu’à nous, est mieux qu’une expression métaphorique, car la morale de l’honneur excita la même ferveur et le même enthousiasme qu’une religion et obtint tout l’amour que n’a jamais obtemt la morale naturelle, laquclle a dû toujours se contenter d’un froid respect, et a de tout temps été plus obéie que chérie par les hommes.

L’honneur fut dans l’origine une vertu d’un ordre exclusivement aristocratique, une vertu de gentilhomme et de chevalier. Mais heureusement, i) n’y a pas que Je mal qui soit contagieux, le bien est contagieux aussi et a la puissance de se propager absolument comme s’il était un vice ou une maiadie. C’est à ce signe que se reconnait l’égalité de la nature humaine. Le bieu moral se rit des castes et des divisions arbitraires établies par les hommes, comme s’en rient la peste, la souffrance physique et la mort. Il arriva donc que, dans les pays où la société féodale fut établie, et où la chevalerie régna. la vertu de l’honneur s’étendit à la longue comme une épidémie bienfaisante sur toute la population, et descendit des classes gouvernanles aux classes gouvernées. Sous l’ancien régime, la noblesse avait uni par donner ses manières à toute la nation ; il eu fut ainsi de l’honneur qui ne resta pas l’apanage exclusif des classes supérieures, mais qui devint une vertu d’un usage commun à toutes les classes. L’honneur 1 ce fut la grande vertu de nos pères, leur principal mobile d’action, le ressort général de toute leur conduite, et presque toute .leur morale. L’ancien Français, à quelque ordre qu’il appartint, faisait tout non par devoir, ou par vertu, ou par crainte de la loi, mais par honneur. Ce que l’honneur permettait, il le faisait, la morale l’eût-elle défendu d’ailleurs ; ce que l’honneur défendait, il s’en abstenait, la morale l’eût-elle permis. Comme cette religion dont il avait emprunté le nom, il se développait dans chaque individu conformément à son origine, à ses mœurs et à son caractère, et prenait des formes particulières avec chaque classe. La bourgeoisie avait son honneur qui n’était pas tout à fait celui de la noblesse ; les classes populaires avaient le leur qui n’était pas tout à fait celui de la bourgeoisie. Mais toutes ces formes de l’honneur reposaient sur des principes communs qui n’en faisaient qu’une seule et même vertu, en sorte que les hommes de toutes les classes se comprenaient aussitôt dés que ce mot était échangé entre eux.

Il ne faudrait pas croire que ce sentiment se retrouve égaiement chez toutes les nations de la moderne Europe. Il s’est développé plus ou moins chez chacune d’elles selon que la chevalerie y a eu plus ou moins d’empire. Il n’y a que deux peuples, en réalité, qui aient fait de ce sentiment une sorte de religion sociale, les Français et les Espagnols. Chez ces deux peuples seulement, il a donné tout ce qu’il pouvait donner et montré tout ce qu’il pouvait iuspirer de noblesse, de dévouement et de grandeur ; car chez eux il a dominé presque seul, sans contrôle et sans partage, et l’individu s’est abandonné avec obéissance à tous les excès de sa tyrannie et à tous les caprices de son arbitraire. Quiconque veut counaitre à fond ce sentiment et savoir ce qu’il peut engendrer en bien et en