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fin de ce même grand dix-huitième siècle, Gœthe viendra changer les cercles isolés de Vico en r je seule spirale, sans cesse ascendante et sans cesse élargie. Ne touchons-nous pas enfin an seuil de l’âge humain universel, ou du moins ne l’entrevoyons-nous pas ?

Hcm&ntté, régne, voici ton âge

Que nie en vain la voix des vieux éehoa, a dit le grand poëte Béranger. C’est désormais le cri de quiconque est las des hécatombes et des funérailles de l’âge divin et de l’âge héroïque. Mais, pour n’avoir pas élevé sa vue audessus des horizons des nations particulières, Vico n’en a pas moins exprimé la loi générale du développement de la société humaine tout entière.

L’~r !7 des lois de Montesquieu (1748) vint ajouter quelque chose aux éléments dont se composait déjà la substance de i histoire. Ce ne sont pas de vaines idées que celles dont Montesquieu a décoré le vestibule de son édiûcc. L’homme, dit-il, comme être physique, est, ainsi que les autres corps, gouverné pardes lois invariables ; comme être intelligent, il viole sans cesse les lois que Dieu a établies, et change celles qu’il établit lui-méme. Ii faut qu’il se conduise, et cependant il est un être borné, il est sujet à l’ignorance et à l’erreur, comme toutes les intelligences finies ; lesfaibles connaissances qu’il a, il les perd encore. Comme créature sensible, il devient sujet à mille passions. Un tel être pouvait à tous les instants oublier son Créateur Dieu l’a rappelé à lui par les lois de la religion ; un tel être pouvait à tous les instants s’oublier soi-même les philosophes l’ont averti par les lois de la morale fait pour vivre dans la société, il y pouvait oublier les autres les législateurs l’ont rendu à ses devoirs par les lois politiques et civiles..

Et, plus loin, traçant le programme des connaissances et des études nécessaires au philosophe et à l’historien, il ajoute

La loi, en général, est la raison humaine en tant qu’elle gouverne tous les peuples de la terre ; et les lois poétiques et civiles de chaque nation ne doivent être que les cas particuliers où s’applique cette raisou humaine. Elles doivent être tellement propres au peuple pour lequel elles sont faites, que c’est un très-grand hasard si celles d’une nation peuvent convenir à une autre. U faut qu’elles se rapportent à la nature et an principe du gouvernement qui est établi, ou qu’on veut établir, soit qu’elles le forment, comme font les lois politiques ; soit qu’eues le maintiennent, comme fout les lois civiles.

e Elles doivent être relatives au physique du pays, au climat g)acé, brûlant ou tempéré ; à la qualité du terrain, à sa situation, à sa grandeur, au genre de vie des peuples laboureurs, chasseurs ou pasteurs elles doivent se rapporter au degré de liberté que la constitution peut sonnrir ; à la religion des habitants, à leurs inclinations, à leurs richesses, à leur nombre, à leur commerce, à leurs moeurs, à leurs manières. Enfin, eUes ont des rapports entre elles ; elles en ont avec leur origine, avec l’objet du législateur, avec l’ordre des choses sur lesquelles elles sont établies. C’est dans tontes ces vues qu’il faut les considérer. à Nous sommes loin maintenant de la pure doctrine théocratique, et l’esprit moderne est enfin devenu maure de soi. Montesquieu a ordonné à l’historien d’étudier les harmonies qui unissent l’homme à la terre ; Voltaire, dans l’Essai sur les mceurs (t757), donnera la première ébauche d’une histoire universelle entreprise sur le plan tracé par l’auteur de l’Esprit des lois, et si l’exécution est d’une main trop rapide, au moins sent-on partout l’intc’tfigence d’un homme qui, à défaut de la vérité manifeste, n’admet dans l’histoire que la vraisemblance, et qui, dans un siècle encore monarchique, et lui-même auteur du Siècle de

Louis XIV, comprend que ce n’est pas seulement du Dom des rois qu’il faut désigner et dater les événements accomplis dans la vie des peuples. Il le dit lui-même

En se modelant en général sur les grands maitres, on a aujourd’hui un fardeau plus pesant que le leur à soutenir. On exige des historiens modernes plus de défaits, des faits plus constatés, des dates précises, des autorUés, plus d’attention aux usages, aux lois, aux mœurs, au commerce, à la finance, à l’agnculture, à Ja population. M en est de l’histoire comme des mathématiques et de la physique ; la carrière s’est prodigieusement accrue. Autant il est aisé de faire un recueil de gazettes, autant il est dimcile aujourd’hui d’écrire l’histoire a Daniel se crut un historien parce qu’il transcrivait des dates et des récits de batauies où l’on n’entend rien. Il devait m’apprendre les droits db la nation, les droits des principaux corps de cette nation, ses lois, ses usages, ses moeurs, et comment ils ont changé. Cette nation est en droit de lui dire Je vous demande mon histoire encore plus que celle de Louis le Gros et de Louis Butin. » Vers la-fin du siècle de Voltaire et de Montesquieu parut le livre qui, profitant de tous les progrès accomplis et réunissant toutes les vérités découvertes, devait devenir, à proprement parler, le programme définitif de l’histoire. Les Idées sur la philosophie de l’humaM ! de Herder, voilà en effet le résumé de ce que saint Augustin, Bacon, Pascal, Bossuet, Vico et nos grands penseurs français du dixhuitième siècle ont successivement enseigné. Toutes les théories s’y rencontrent, s’y complètent, s’y fondent en un même corps.

Le premier, Vico avait posé les lois universelles de i humanité, comme le dit M. Edgar Quinet, l’éloquent traducteur de Herder. « De la représentation il s’était élevé jusqu’à l’idée des phénomènes, jusqu’à l’essence. Frappé du : principe de la nature identique de toutes les nations, il avait rassemblé en un seul tous les phénomènes qui sont communs à chacune d’elles, dans les diverses périodes de leur durée et, leur otant leur couleur et leur indivi-