Page:Block - Dictionnaire général de la politique, tome 2.djvu/233

Cette page n’a pas encore été corrigée

LOIS AGRAIRES.


connaissaient pas la constitution de la société romaine.

On appelait lois agraires’, à Rome, toutes les loisrelatives aux terres, et spécialement celles qui concernaient tes terres dn domaine de l’État, l’~er publicus. Les idées antiques de guerre, de conquête, debutin, de partage, sont les seules que paraisse avoir connues et mises en pratique )e fondateur de la nation romaine. Improvisée par une bande de brigands semblables à ceux qui infestent encore l’Apennin de Naples, cette nation ne posséda d’abord d’antre territoire que celui qu’elle enleva aux peuplades voisines.

On y tailla pour chaque bandit armé d’une lance ou quirite un lot de deux~M~era, c’est-à-dire d’environ cinquante ares. Ce lot s’appela heredium, l’héritage sacré du citoyen. Tout le reste fut la propriété indivise de l’État ou du roi, et ce domaine fut affermé, soit pour des pâturages qui payaient une redevance en bétaii, soit pour d’autres cultures chargées d’un cens qui montait au dixième pour les grains et au cinquième pour la vigne. Quand les Romains chassèrent Tarquin et s’établirent en république, le domaine fut divisé et l’heredium de chaque citoyen fut porté à cinq jugera. C’est là ce que possédaient les premiers patriciens de Rome, les ancêtres des Lucullus. On ne croyait pas qu’un homme dût alors posséder plus de terre qu’il n’en pouvait cultiver de ses mains.

Ces héritages étaient probablement inaliénables dans le principe, et quand le possesseur mourait sans enfants, ils faisaient retour à l’État, propriétaire « éminent e du territoire national. Mais avec le temps, tes familles qui, en chassant les rois, s’étaient organisées en une aristocratie maltresse des lois, saisirent peu à peu les terres possédées par les plébéiens et disposèrent à leur gré du vaste domaine de l’État que chaque guerre agrandissait. Ce fut l’un d’eux, Spurius Cassius Viscellinus, alors pour la troisième fois consul, et honoré de deux triomphes, l’un sur tes Sabins, l’autre sur les Berniques, qui protesta le premier au nom dn peuple dépouijté et qui proposa la première de ces lois destinées à s’appeler dans l’histoire tes lois agraires. Il demanda que toutes les terres usurpées sur le domaine de l’État y fussent incorporées de nouveau, que le cens des terres affermées fût payé avec exactitude et qu’enfin on prit sur le domaine de quoi donner sept jugera, 175 ares, à chaque citoyen. Le Sénat, n’osant pas répondre sur-le-champ par un refus, décréta pour l’année "iyante la nomination de douze commissaires chargés de déterminer tes limites de la république et tes terres qui pourraient être distribuées aux plébéiens. A peine sorti de charge, Spurius Cassius est accusé par un Fabius d’aspirer à la royauté, mis en accusation devant le peuple pour ce crime, exécrable à Rome, et précipité du haut de la roche Tarpéienne. On était alors en l’année 485 avant J.-C. Les tribuns du peuple réctamèrent l’exécution de la toi, mais l’aristocratie eut soin de susciter aussitôt une guerre contre les &ques, les Yo !sqnes, tes Yéiens, et l’armée romaine ensanglanta de nouveaux champs de bataille que bientôt les patriciens se partagèrent encore ou dont ils prirent les récoltes à ferme. Le peuple de la cité resta plongé dans sa misère pendant que des esclaves cultivaient partout le soi conquis au prix de son sang.

En 366 les tribuns Licinius Stolon et Licinius Sextus firent décréter une loi pour interdire à qui que ce fût de posséder plus de 500 jugera, 125 hectares de terre, pour exiger que les fermages fussent payés régulièrement, pour limiter à 100 têtes de gros bétail et au chilfre de 500 moutons les troupeaux qu’il était permis d’envoyer au pâturage public, pour contraindre les propriétaires à employer dans leurs exploitations un tiers au moins d’ouvriers libres et pour donner un lot de7./M$waà à chaque plébéien sur les terres de l’État. La loi Licinia ne fut exécutée que pendant trèspeu de temps, et bientôt éludée. On sait que deux siècles et demi plus tard, en traversant les campagnes d’Étrurie pour se rendre à son commandement d’Espagne, le jeune Tibérius Sempronius Gracchus, petit-fils du grand Scipion, fut saisi de pitié pour l’État autant que pour le peuple, et c’est alors qu’entrevoyant dans un avenir prochain peut-être la dépopulation et la ruine de la terre italienne et dans le sein même de Rome l’élévation d’uu tyran acclamé par la foule affamée, il médita de rétablir l’agriculture libre pour régénérer la République. Prenant conseil de tous les esprits éminents de son temps, il crut trouver un instrument sntBsant dans la vieille loi licinienne et proposa de la faire revivre en la modifiant. Aux 500 jugera qu’un propriétaire avait le droit de posséder, la loi « Semprouia x en joignit 250 pour chacun de ses Sis. Quant aux héritages distribués encore une fois au peuple, ils devaient être. inaliénables. Mais ce peuple se souciait peu de quitter le Forum où il se consolait de sa misère par sa paresse et il ne soutint pas, au jour de la lutte définitive, le tribun qui, pour le doter, s’était mis en état de guerre contre tontes les familles patriciennes. Tibérius Gracchns fut assassiné en l’an 133, et douze ans après, lorsque son frère Caïu~ se dévoua à lamême cause, il fallut qu’abandonné aussi par la multitude il se nt tuer par un de ses esclaves.

Mais l’avarice des patriciens avait dès lors condamné la République elle-même à périr. Ce peuple qui exigeait de ses tribuns tant de courage et qui leur prétait si peu d’appui, ce même peuple allait pousser à la tyrannie entrevue par Tibérius Gracchus le premier général qui, les armes à la main, reprendrait l’œuvre de Spurius Cassius, de Licinius Stolon et des Gracques. Rome vit d’abord surgir la querelle sanglante de Marius et de Sylla. Les proscriptions ôtèrent la vie à ceux qui n’avaient pas voulu rendre les terres usurpées, et les premiers plébéiens mis en possession d’héritages, ce furent les légionnaires qui avaient versé le sang. Enfin parut César qui, en lq-