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LIBRE ÉCHANGE.

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l’obstacle douanier, agissant dans le même sens, avec la même énergie, la même impulsion, nos neveux auront de la peine à comprendre l’inconséquence de ceux qui d’une part réclament ie perfectionnement des voies de communication, et d’autre part !e maintien des

barrières commerciales et politiques. Quoi qu’il en soit, la lumière s’est faite et se fera de plus en plus ; l’aube blanchit pour les peuples arriérés, le soleil est à l’horizon pour quelques-uns, l’idée de libre échange pénétrera de proche en proche et se substituant aux vieilles idées d’isolement, de haine, de répulsion, de prohibition, produira de plus en plus les heureux résultats qui sont dans son essence. Les gouvernements et les peuples renonceront de plus en plus à la vieille politique d’accaparement des territoires, de domination et d’oppression des races, de possessions lointaines et d’exploitation coloniale, aux artificielles combinaisons de la diplomatie. De là l’apaisement des haines et des vengeances internationales, la disparition du danger des invasions, et par contre la diminution des armements terrestres et maritimes, des impôts et des emprunts qu’ils nécessitentetquifoulenttantles peuples, comme disait Vauban impôts et emprunts qui se traduisent par la hausse des prix, par nn surcroît de labeurs quotidiens, par les privations et la misère ; d’où l’inquiétude des masses, dont la surveillance nécessite une plus grande force militaire de là encore une plus grande compression, qui s’oppose à l’expansion des libertés publiques

Voilà comment tout s’encLaine et comment la politique du libre échange est non-seulement une excellente politique commerciale, mais la politique de la paix et de la liberté, en dehors de toutes raisons tirées de la religion, de la morale, de la philosophie dont à tort ou à raison les hommesd’Ëtat et les mécanicienspolitiques font peu de cas, au grand applaudissement des peuples qui se croient pourtant religieux et civilisés.

IV. Le libre échange n’est point une panacée qui opérera du soir au matin pour produire instantanément les résultats que nous venons d’énoncer. Mais son action progressive, quoique lente, sera d’une enicacité éclatante. On en peut juger par les nombreux symptômes qui se manifestent aux yeux de tous par suite de toute facilité nouvelle donnée au commerce et à l’industrie, de toute extension du marché, de toute ouverture de débouchés. N’est-ce pas à une plus grande liberté commerciale et industrielle depuis la révolution de 1789, qu’il faut attribuer le développement inouï jusque-là de toutes les branches de l’activité humaine ? N’est-ce pas à l’accroissement des intérêts et des rapports internationaux qu’il faut attribuer en grande partie la cessation des luttes militaires du commencement du siècle, et les quarante ans de paix qui ont suivi, et le peu d’empressement des peuples à prolonger les luttes contemporaines, malgré les nombreuses causes de guerre et l’existence de masses armées dont les chefs ne rêvent que complicafions et querelles pour avoir de l’avancement ce qni est naturel, paisque telle est leur profession ?

V.–Si les effetspolitiques et ceux des effets moraux concomitants du libre échange ne s’accomplissent que peu à peu, à la longue et

à une certaine distance dans le temps, U est juste de dire que ses effets économiques et financiers se produisent pour ainsi dire immédiatement. On a pu en juger aux époques de disette en 1846-1847 en Angleterre, depuis 1853 en France et ailleurs. On a pu en juger en Angleterre lors des réformes de Huskisson en 1825, etplus récemment par suite des réformes de Robert Peel préparées par cette vigoureuse ligue de Manchester (1839-1846) à la tête de laquelle ont briiié MM. Cobden et Bright, et dans laquelle ont admirabtement iutté des hommes d’élite trop nombreux pour que nous puissions mentionner leurs noms. La réforme était à peine votée que déjà le pays ressentait les effets de la liberté l’agriculture, qu’on avait tant enrayée, voyait croitre sa prospérité d’une manière surprenante ; les manufactures, le commerce intérieur, le commerce extérieur, la navigation, le mouvement des ports, toutes )es branches de l’industrie britannique voyaient doubler leur activité. Les finances s’amélioraientpar toutes les voies, le déficit était comblé. La richesse publique s’élevait comme la richesse privée, comme l’aisance et le bienêt.e des citoyens produisant plus et consommant davantage de toutes choses indigènes et étrangères, et à coté de ces résultats économiques les résultats moraux de premier ordre, la satisfaction, la tranquillité, la moralité des masses, la diminution du paupérisme inscrit et de la criminalité au point que l’on a vu des villes ayant deux prisons, en état d’en supprimer une. Or cette satisfaction des masses a été telle que la crise révoiutionnaire de 1848, qui a ébranlé plusieurs États d’Europe, n’a, malgré Ifroyabie disette de 1846-1847, eu aucun retentissement en Angleterre, qne l’on nous représentait cependant comme assise sur un volcan populaire ! Le c~ar~MMte a disparu devant les réformes obtenues par la Ligue et la suppression du monopole des landlords. 1) y a plus, les transformations de l’opinion publique par les efforts de la Ligue d’abord, par ceux de Robert Peel ensuite, ont amené l’évanouissement des anciens partis (tories, whigs et radicaux) les hommes politiques se sont. classés d’une manière moins étroite et plus rationnelle, les hommes de Manchester sont intervenus dans ia direction de l’opinion, et si aujourd’hui il y a encore des partisans de la vieille politique, de la vieille diplomatie, de la protection, de la prépondérance et des gros armements, ils n’obtiennent plus la majorité qu’accidentellement, car ils ont en face d’eux des hommes de fret trade, de non-intervention, de travail et de liberté, qui ont l’oreille des classes moyennes, sympathiques tonte mesure favorable à la paix internationale.

Notons que ces résultats ont été obtenus p~’ une réforme relativement considérable, n~