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LÉGISTES. LÉGITIMITÉ.


rait ni féodal ni ecclésiastique. La législation romaine fut leur second évangile, parce qu’elle était un type d’unité : la royauté fut leur point d’appui, parce qu’elle avait les mêmes instincts. Les légistes sont les véritables

fondateurs de la royauté et de J’unité. Au seizième siècie nous les trouvons à leur apogée ils comptent dans leur sein les plus vaillants esprits de l’époque ; ils savent combiner le respect de la loi et le sentiment patriotique. Malheureusement ils ne surent s’arrêter, ils sapèrent toutes les libertés locales en développant outre mesure le besoin d’unité. Dans leur désir de renverser la puissance féodale, leur véritable ennemie, les ic~istes arrêtèrent les progrès politiques du tiers état. En détruisant les privilèges municipaux, ils tarirent la source où ia bourgeoisie se formait à la liberté. Ils étouffèrent le sentiment du droit qui a formé les Anglais. u Les hommes de 89 purent tout faire, dit M. Baidoux, excepté donner une éducation politique aux classes moyennes, c~ies qui forment les grands peuples. » De nos jonrs, les légistes ne forment plus une classe à part ; or ; les retrouve (’chemines dans tons les rangs et dans tous les partir. S’i !~ fournissent à la politique de puissantes individualités, leur action isolée ne produit qu’une influence momentanée. Ils ont hérité de leurs ancêtres le vaste savoir, le talent, et l’appréciation du moment ; mais ils ont peu, en général, la connaissance du passé et moins encore ]a prescience de t’avenir. Si le Code Napo)éon a exercé une influence sur l’Europe, cette influence n’est due qu’aux principes de 89 qu’ii consacrait, et 89 est bien plutôt l’œu<Te des philosophes et des économistes que l’ouvrage des légistes. Sous la Restauration et sous le règne de Louis-Philippe, les légistes unis aux corps des journalistes jetèrent un grand éclat ; ils exercèrent une influence précieuse sur la création de certaines lois libérales, mais leurs conceptions à courte vue, leur peu de cohésion les empêchèrent de jeter les fondements d’une liberté durable. Ils ne surent pas donner aux classes populaires qui s’élevaient une éducation politique. Chose étrange, malgré leurs éminentes qualités, aucun d’eux ne comprit la pensée qui avait dicté à Mirabeau ses Leltres ses commettants ; aucun député légiste ne songea à vulgariser ce moyen si simple et si fécond d’enseignement politique populaire. La révolution de 1848 révéla parmi les légistes des esprits généreux, des cœurs dévoués, des âmes foncièrement honnêtes, mais peu eurent conscience de la nécessité urgente de cette éducation populaire. On ferma les clubs au lieu de les organiser en cours publics, on ouvrit des ateliers nationaux au lie~i de favoriser l’enseignement professionnel. Il est dimcHe aux contemporains de se juger eux-mêmes, néanmoins nous craignons que l’histoire n’adresse nos juristes de 18M le reproche de n’avoir pas été préparés, de longue date, à purger nos lois de tout ce qui arrêtait l’essor des principes de 89.

Si l’on recherche les causes de ces @r<mdeurs des légistes suivies d’aussi rapides décadences, on les trouvera peut-être dans la nature de leur éducation et dans la spécialité de leurs travaux. Rien n’est plus dangereux que l’étude des lois si elle n’a été précédée de travaux sérieux sur les sciences morales et sociales. Rien n’est plus dangereux également que de s’occuper sans relâche de ce qui est, sans rechercher en même temps ce qui devrait être.’ EUGÈNE DELA.TTBE.

Ï.ËGÏTtMITË.’ Dans son acception pure et abstraite, ce mot, emprunté à la )ang))e la plus élevée de la philosophie et de ia jurisprudence, signiue le caractère, la nature, j’essence de ce qui est légitime. Or, d’après l’étymologie même, /e’~i7 !’me est ce qui est /e~ !K~’mM<, c’est-à-dire ce qui est intimement conforme à la loi, ce qui est, pour ainsi dire, dans les entrailles de la loi.

Or, la loi ne s’entend pas seulement ici des règles conventionnelles qui président aux relations des hommes on des États. La loi se prend au sens le plus cminent ; c’est la règle qui découle du droit suprême de la justice immnaNe, de vérité éternelle, de Dieu en un mot. Car i) ;c" est t’Mteujr, la source et le consommatenr de toute justice.

L’injuste est illégitime, parce que l’injuste est contraire au droit et par conséquent à la loi. La légitimité est donc le caractère de conformité à la justice, au droit et à la loi. Cette définition s’applique à tous les sens divers dans lesquels se peuvent employer le mot et l’idée de léyitintité.

Dans les actes de la vie privée on dit la légitimité d’une prétention, la légitimité d’une possession, la légitimité d’une action. Dans la famille, la légitimité se dit de l’union du mari et de la femme, selon les lois divines et humaines. C’est le tittc des enfants nés de cet.te~ union, consacrée par la religion et sanctio~ par le droit civil. C’est la désignation de~ rents appelés à recueillir les succ C’était, dans notre vieil idiome, la part s~~S~ à l’enfant dans l’hérédité paternelle on disait a la légitime ».

Pour la vie publique, pour la vie sociale, légitimité est synonyme de justice incontestable et incontestée. Qui dit pouvoir légitime, prescriptions légitimes, exigence légitime, dit un pouvoir, des prescriptions, des exigences qui sont dans l’essence du droit, qui sont dans la natnre des choses et qu’une raison éclairée t~ une conscience ferme approuvent comme étant d’une équité évidente et inniable. L’indépendance d’un État est éminemment légitime ; l’exercice régulier de l’autorité est légitime ; les sacrifices imposés pour le bien commun sont légitimes.

Dans l’application aux formes diverses des 1. Nous ne savons si ceTeproche est encore mënté~ nons avons rencontré bien des légistes qui se préoccupent de ce qui devrait être ; quelques-uns d’MttM eux en ont même perdu la faculté d’apprécier’saftaement ce qui est et ce~ai peut être. M. B. 2. Cet article a Été écrit en 1SM ; nées le reprcfMBons en 1875 Mne caaBjrement. M. Ih