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LEADER.

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lard Chatham, avec son organisation nerveuse et maladive, son goût pour l’isolement, son éloquence sublime et inégale, ne fut jamais an véritable <M</er. A l’époque de son premier ministère, il se consacra tout entier à la politique extérieure et laissa la direction de son parti dans les Chambres à un grand seigneur ignorant, qni n’aurait pas su réciter de suite les noms des colonies anglaises, et qui ne parvint jamais à comprendre comment le Cap Breton pouvait être une lie, mais qui connaissait à fond le nom, les relations, les intérêts de chacun des membres du Parlement, et qui savait à quelle porte il fallait frapper lorsqu’on avait besoin de trois voix pour assurer un vote douteux. Lord Chatham et le duc de Newcastle se comptétaient mutuellement. Le jour où ils se séparèrent, chacun des deux perdit la moitié de son inHuencc.

Le second Pitt, au contraire, dont la politique extérieure peut être l’objet de critiques légitimes, gourerua pendant vingt ans la Chambre des communes a~ec une autorité sans égale, et il eût été un leader incomparable, s’il avait en l’aménité de manières de Fox ou de lord North. Gasticreagh était trop froid ; Canning s’abandonnait trop à son goût pour la raillerie. Il faut remonter jusqu’à Robert Walpole ou redescendre jusqu’à lord Palmerston pour trouver la réunion a peu près complète des qualités si nombreuses et si diverses que nos voisins exigent d’un chef de parti.

Le leader de la Chambre des communes a pour lieutenant le tcAt/~er-t/t. Ce mot, qui vient du verbe <b tohip (fouetter), signifie proprement piqueur, conducteur de meute. Le <e/<tpper- !M est chargé de la police du parti. C’est lui qui rappelle à la raison les indisciplinés, qui réchauffe les tièdes, qui soutient et encourage les zélés. C’est lui qui, an moment d’un vote, ramène à la hâte les flâneurs dans la salle des séances. C’est lui qui, à la Y ?’"e d’une discussion importante, écrit aux députés attardés à la campagne, pour leur faire comprendre la nécessité de leur présence à Londres. Lorsqu’un parti arrive au pouvoir, les deux kaders ont naturellement les postes les ptns importants, et l’un d’entre eux devient premier lord de la Trésorerie, c’est-à-dire chef du ministère. Quant au tfAt~er-tM, sa place est marquée d’avance. Il est nommé secrétaire de la Trésorerie, et tout en s’acquittant de ses fonctions officielles, continue à remplir dans son parti le rôle que nous avons esquissé tout à l’heure.

L’organisation des partis en Angleterre n’est pas assurément sans présenter certains inconvénients. Une discipline anssi rigoureuse

exige de ceux qui s’y sont volontairement soumis quelques sacrifices d’opinion ou d’ambition. Parfois on voit nn homme d’un mérite ordinaire maintenu à la tête de son parti, par snite du respect accordé à une position acquise, tandis que des talents pins jeunes et plus brillants restent au second rang.

Mais que d’avantages à côté de quelques inconvénients 1 Cette discipline qu’on peut trouver excessive prévient le fractionnement des partis, qui a tant contribué en France à discréditer le gouvernement parlementaire. Pendant la seconde moitié du dix-huitième siècle on a bien vu se former en Anglefrre, comme chez nons sous la monarchie de Juillet. un certain nombre de partis, ou plutôt de fractions de partis séparées par des questions personnelles bien plus que par des divergences sérieuses d’opinions. Mais cet état de choses, qui aurait fini par ébranler la confiance du pays dans les institutions représentatives, ne tarda pas à se modifier lorsque les tendances conservatrices et les opinions libérales, trouvant dans Pitt et dans Foi une brillante expression, se rallièrent autour de ces deux grands hommes. Si plus tard des partis intermédiaires, comme ceux de Canning et de Robert Peel, rendirent des services que seuls peut-être ils pouvaient rendre, ils ne survécurent longtemps ni à leurs il)ustres chefs ni aux circonstances qui avaient légitimé leur formation.

Les leaders, avons-nous di !, ont la direction efëctivc des discussions. It résulte de là que le ~eaAe~’ de la Chambre des communes, n’intervenant au milieu des débats que dans de rares occasions, peut conserver une impartialité bien rare chez les présidents de nos assemblées françaises. On sait dn reste que ce personnage n’a pas entrée dans le cabinet. La présidence de la Chambre haute, il est vrai, est confiée au lord chancelier, qui fait partie du ministère et qui quelquefois même remplit les fonctions de leader de son parti. Mais les discussions de la noble assemblée étant moins passionnées que celles de la Chambre populaire, ce cumul d’attributions ne présente pas d’inconvénients sérieux. Les ~eafte. avons-nous dit encore, sont de droit appelés aux places les plus importantes du cabinet,lorsque leur parti arrive au pouvoir, et l’un d entre eux devient premier lord de la Trésorerie. 11 résulte de là qu’il n’y a jamais en Angleterre plus de quatre ou cinq candidats à ce poste en France chacun se croit capable d’être premier ministre.

L’importance considérable attribuée à ces personnages a encore un autre avantage elle rend moins ardente cettegnerre de portefeuilles qu’on a tant reprochée à nos hommes d’Etat. En Angleterre, un chef de parti n’a pas besoin du titre de ministre pour jouer un grand rôle. lord Derby, premier lord de la- Trésorerie, n’a jamais été aussi puissant que lord Derby, chef de l’opposition conservatrice. Fox, qui n’a fait que passer au pouvoir, a exercé autant d’influence sur l’avenir de son pays que Pitt et Walpole, malgré lenrs vingt années de ministère. Ceux qui ne voient en Angleterre que l’aristocratie feront bien d’y étudier l’organisation à la fois si simple et si ingénieuse des partis. Qu’ils suppriment par la pensée l’hérédité de la pairie ; qu’ils remplacent la Chambre des lords par un Sénat électif comme celui de Bdgique~u des États-Unis ; et l’organisation ~S~