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gigantesques sur le flanc des montagnes, a<Bchée sur les arbres, peinte snr les murailles, gravée sur les ustensiles de ménage. Pour que cette prière soit sans cesse en mouvement et sans doute aussi dans le dessein d’obéir au précepte donné par le Bouddha, de tourner continuellement la roue de la loi, précepte ngui’é qu’on a pris à la lettre, on a inTen)é la célèbre machine à prières. C’est un cylindre de bois, de cuivre ou de cuir, rempli de petites bandes de papier, sur lesquelles sont imprimées les six précieuses syllabes, et mis en mouvement par une manivelle. L~gitation des bandes de papier constitue une œuvre pie en faveur de celui qui met la machine en branle. On a placé de grandes machines de ce genre dans les vestibules des temples, sur les places publiques, et dans les principales rues, pour donner aux passants la facilité de remplir leurs devoirs de religion. Dans les familles pienses on en a de petites, et on les met en mouvement aussi souvent que possible. Les personnes riches ont un serviteur spécialement chargé de cette besogne. Enfin on voit dans le Tibet et dans la Mongolie des machines à prières mises en jeu par des moulins à eau et par des moulins à vent.

Les Tibétains et les Mongols, pas plus les religieux que Jes laïques, ne se doutent pas qne cette célèbre prière qu’ils appellent pompeusement la voie de la délivrance, la porte du salut, la barque qui porte l’âme au port, la lumière qui-dissipe les ténèbres, et qui constitue, pour le plus grand nombre d’entre eux, toute la religion, est tout simplement une invocation à ia force génératr ;"e universelle, exprimée ici sous un symbole obscène, mais fort usité dans le sîvaïsme qui le reproduit dans tous ses temples par Jascufpture et paria peinture..Mais moins les théologiens du lamaïsme en comprennent le sens réei, plus ils se trouvent à l’aise pour en donner des explications mystiques. Hs assurent qu’elle renferme une doctrine sublime, dont la vie la plus longue ne suffirait pas pour mesurer l’étendue et la profondeur. En général, ils y voient un symbole de la transmigration des âmes à travers les six royaumes de la renaissance, royaumes représentés chacun par une des six précieuses syllabes, ou encore l’élévation de l’âme vers la perfection, en passant par les six vertus transcendantes dont chacune est exprimée également par une des six syllabes. Ce n’est pas à dire cependant qu’il n’y ait pas dans le iamaisme une certaine apparence de science. Il n’est pas de couvent dans lequel un religieux ne soit chargé de l’instruction des novices. Dans les plus coasidéraNes il y a un enseignement supérieur. Mais ies études qu’on y fait ne mettent en jeu que la mémoire : on y fait apprendre par cœur les nombreuses oraisons de l’Égnse Jamaïque celui-là est le plus habile qui peut en réciter imperturbaNectent le plus grand nombre. On y forme les jeunes 1. L* prière de m tyUftbet est en MMoit, )m<Be entièrement inerte des t*mM.

religieux à rexercice des cérémonies. Enfin on y explique les régies de la vie contemplative qu’on appuie des exemples édifiants donnés par les saints du bouddhisme. Les subtilités métaphysiques ne paraissett pas manquer à la science iamatque, subtilités qui rappellent ce))cs de nos théotogiens du moyen âge et qui n’ont pas d’autre but que de donner )inc apparence de raison aux choses les plus déraisonnables.,En somme cette science ne se propose point pour but la recherche de la vérité ; comme ta scuiastique. elle veut tout simplement démontrer une doctrine arrêtée, immuable, qui est posée, ~ans autre discussion, comme la vérité, mais qui n’est la vérité que pour ceux qui y croient. La magie fait aussi partie de la science lamaïque. Elle n’est enseignée qu’à Lhassa, dans les deux couvents de Ra-mo-tsche et de Mo-ron. C’est là que se rendent ceux qui veulent devenir maitres en i a,Hc C5 ::jjrer les esprits, de commander auxéiéments et d’exercer la médecine sympathique et magique. La science lamaïque repose tout entière sur deux recueils de livres sacrés, savoir le Kah-gyour (traduction des textes sanscrits) qui se compose de mille quatre-vingt-trois écrits dniérents, et le Tah-gyour (explication de la doctrine) qui est encore plus votumiuccx que le précédent. A coté de ces deux énormes collections qu’Alexandre Csoma a le premier fait connaître aux Européens, il existe des milliers d’ouvrages, dont la plupart sont des livres d’édification, des recueils de prières, ou des récits légendaires des vies des saints de l’Eglise lamaïque.

Le Tibet peut être appelé, à aussi juste titre que la Chine, un pays de livres. Et cependant dans cette contrée où depuis des siècles l’imprimerie est en activité, où la reproduction d’un écrit est tenue pour une chose sainte et aura sa récompense dans le ciel, où l’on s’incline devant quelques pages couvertes de caractères avec autant de respect que devant le Bouddha vivant, on n’est pas arrivé à une seule idée lucide en matière de religion ; on est resté dans la plus profonde ignorance de l’histoire et des lois de la nature ; la réflexion ne s’est éveillée sur aucun des grands problèmes dont la solution, ou du moijis dont la méditation semble un des besoins de l’esprit humain ; l’état social ne s’est pas élevé au-dessus du niveau de l’enfance des peuples. L’histoire du Pays de la neige prouverait-elle la vanité de tout ce que l’on a dit et écrit parmi nous, sur le rôle éminemment civilisateur de l’imprimerie

? A voir ce qui s’est passé au Tibet, il est 

duNciie de ne pas admettre que la presse est un instrument aussi propre à l’asservissement de l’esprit qu’à son émancipation et à son développement. L’Europe en serait probablement

encore au point où les Tibétains sont arrêtés depuis plus de dix siècles, si l’imprimerie n’avait servi, entre les mains des dominicains et des franciscains, qu’à reproduire les légendes des saints et les Sommes de la Théologie scolastique. Elle n’est devenue un auxiliaire de la liberté et du progrès intellectuel et moral,