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font valoir encore l’inaptitude ou tes répugnances que montrent parfois tes populations pour tes fonctions de jure ; mais cet ordre d’arguments, prenant sa source dans des circonstances locales ou momentanées, ne saurait être généralisé. Enfin, ils critiquent amèrement le jury, comme institution judiciaire, cOté de la question qui nous reste à examiner. Dit jury considéré comme institution judiciaire. Du jury criminel. La procédure

orale, les débats publics, la faculté laissée an juge de décider suivant son intime conviction sont à bon droit considérés comme le complément nécessaire de l’institution du jury ; mais par une confusion qu’il faut écarter au début de cet examen, on a eu quelquefois le tort de les lui attribuer exclusivement, et de croire que le système des juges permanents entralnait nécessairement avec lui la procédure secrète et le système des preuves légales. il est certain au contraire que les garanties qui naissent de l’examen oral et public sont aussi nécessaires et non moins compatibles avec des magistrats qu’avec des jurés. !i est vrai qu’on a prétendu quant aux preuves légales qu’il fallait astreindre à ce système tout tribunal criminel formé de magistrats, parce que « ce serait donner à des juges un pouvoir excessif que de les autoriser à former un jugement sur leur intime conviction. (Discussion du conseil d’État, t~by. Locré.) Mais n’estce pas pousser trop loin la défiance ? Les tribunaux permanents une fois assimilés au jury sous ces rapports, on peut dire en leur faveur que des hommes. dont J’intelligence s’est aiguisée et l’àme s’est affermie par l’habitude des fonctions judiciaires, doivent apporter dans l’exercice décès fonctions plus de perspicacité et de fermeté que des jurés, nourris dans des soins tout différents. Il est certain qu’entre leurs mains la répression sera plus énergique et qu’on peut citer à la charge du jury de fàcbeux exemples de mollesse oumèmed’ineptie. Mais ces qualités que la magistrature revendique à bon droit sont compensées par de graves inconvénients. L’expérience a prouvé en effet que l’habitude de se trouver sans cesse en face du crime fait dégénérer la perspicacité en prévention et la fermeté en dureté. Ce qu’il y a de plus dangereux, c’est, tant notre espèce est snjpHp aux illusions, que ce changement s’opère souvent à l’insu du magistrat lui-même, contre ses intentions, an point qu’on peut, en restant tres-hcnnete homme, devenir un détestable juge. Pour remédier au mal, on avait autrefois imaginé ce que Siméon appelle le rafraîchissement de la Tonrnelte (on dirait aujourd’hui le roulement), mais ce palliatif a été reconnu insumsant. ( Foy. sur tons ces points les discussions du conseil d’État, dans Locré.) Si la justice criminelle doit, par la force des choses, arriver le plus souvent à être viciée entre les mains de magistrats honnêtes et d’un esprit droit, que dire des juges pervers on seulement passionnés et bornés ?An moins si le sort amène un jury mal composé, le mal qu’il peut faire est- limité à un seul on à un petit nombre de cas ; mais le mauvais juge aura demain les mêmes défauts qu’aujourd’hui, il les aura toujours et qui peut calculer le mal qui sera fait par un tel homme durant le cours d’une longue et inamovible carrière ? Cette expérience et cette perspicacité spéciales des magistrats criminels ne sont pas d’ailleurs indispensables pour connaître des questions soumises aujt’ry, qui portent uniquement sur ies faits et leur moralité. Si parfois quelques points de droit (complicité, excuses légales) sont mêtés aux faits, ils sont trop simples pour compliquer beaucoup l’examen. De telles questions sont donc toujours de nature à être résoiues à l’aide des lumières et de l’expérience communes. Enfin des hommes pris dans toutes les situations de la vie et, par suite de cette diversité d’origine, familiarisés avec les habitudes, les moeurs, les besoins de toutes les classes de la société, des hommes qui n’ont ni traditions ni parti pris, auxquels nul que Dieu ne demandera compte de leur décision, doivent à la fois prendre à ia recherche de la vérité un intérêt qu’aucune routine n’a émoussé, et apporter, dans l’appréciation de la moralité particulière de chaque action, un esprit plus libre et une conscience plus ft’aiche que des magistrats vivant toujours dans un même milieu, esclaves du texte des lois, et préoccupés de leur responsabilité. Quant aux faits que l’on cite à la charge du jury, les uns ont leur cause dans des circonstances qui ne sont pas inhérentes à l’institution. On devra parfois s’en prendre à une loi trop rigoureuse qui frappe un défit de peines disproportionnées, souvent à l’ignorance des classes de la population appelées à fournir des jurés.- Ce qu’il faut dans le premier cas, ce n’est pas condamner le jury, c’est réformer la loi pénale, et la ramener dans une voie plus humaine, et dans le second, élever le niveau des conditions d’aptitude requises pour le jury. Les autres exemples cités ne prouvent qu’une chose qui n’est pas nouvelle, c’est qu’il n’y a point d’institution humaine qui n’ait ses imperfections et ses défaillances. Ce qu’on doit chercher, si on ne confond pas la répression énergique avec la rigueur aveugle, c’est moins de ne laisser échapper aucun coupable que de ne condamner aucun innocent ; sous ce rapport, le jury estJa juridiction qui présente le plus de garanties. A vrai dire, s’il était en même temps une source d’impunité, il ne pourrait être maintenu. Mais si on considère l’institution dans son ensemble, ainsi qu’on doit le faire, on voit que partout où elle fonctionne régulièrement, elle est loin de manquer à sa

tâche.

On peut se demander s’il est bon de réserver le jury, comme H l’est en France, à certains faits spécialement qualiûés crimes, tandis que tous les autres délits seront remis aux tribunaux permanents. Il est évident que tout fait délictueux ne saurait être déféré au jury, car il y aurait encombrement. Mais la distinction faite par la loi française entre les peines dite : afiïictives et infamantes et les peines correc tionBeUes, n’est rien moins que rationnelle, ~[