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en recueillir les fruits dans toute leur amertume. Les gouvernants eurent à compter avec la brigade irlandaise, ee-ame on appelait les nouveaux représentants O’Conne) ! et ses collègues, étroitemen unis par un seul et même intérêt, ne tenant pas plus an parti whig qu’an parti tory, s’alliant indifféremment à celui des deux qui se montrait le plus favorable à leur cause, tenaient suspendue sur les ministres la menace d’un vote qui pouvait leur enlever le pouvoir en déplacant la majorité, et longue était la série des abus dont les Irlandais avaient à réclamer la réforme.

Il y avait notamment l’affaire des dtmes de l’Église anglicane. C’étaient les propriétaires qui devaient acquitter cet impôt, et presque tons étant protestants, aucune plainte ne s’élevait de leur cOté ; mais comme les charges imposées à la terre pesaient aussi bien sur les fermiers que sur les maitres, et comme les premiers étaient tons catholiques, ils se trouvaient obligés de contribuer à l’entretien de l’Église anglicane, tandis qu’ils avaient à subvenir, sans aide de l’État, aux besoins de leurs prêtres et aux frais de leur culte. De là des colères qui rendirent la perception impossible ; des collecteurs furent assassinés ; il fallut encore supprimer ce brandon de discorde.

Puis arriva le moment où la misère toujours croissante déborda hors d’Irlande. Des bandes d’hommes,defemmes et d’enfants, déguenillées et anamées, traversèrent le canal de Saint-George pour chercher du travail dans les fabriques on dans les fermes de la Grande-Bretagne. L’union et l’émancipation avaient, disait-on, établi l’égalité des droits ; néanmoins ce fut par des cris et des malédictions que ces malheureux furent accueillis ; on les repoussa en leur reprochant de venir enlever aux ouvriers anglais leur travail et leur pain ; l’Angleterre avait ses pauvres ; pourquoi les propriétaires irlandais n’étaient-ils pas tenus de secourir les nécessiteux comme les propriétaires anglais ? Bientôt l’Irlande eut sa loi des pauvres et ses workAo :MM. Quant à la grande cause du mal, c’està-dire le système agricole du pays, on se garda d’y toucher, bien que les vices en fussent frappants. Les propriétaires ne résidaient pas dans leurs terres ; iLs les louaient à des spéculateurs qui les prenaient à long bail et les sous-louaient par petits lots à l’année, sans bâtiments ni matériel quetconque. La culture du sol étant la seule ressource des paysans et le besoin les pressant cruellement, ils se disputaient les parcelles et en offraient des prix exorbitants, sauf à ne pas les payer. An-dessous des petits fermiers se trouvait la foule d’ouvriers agricoles qui se disputait également le travail et dont les services se rémunéraient en général par la concession d’un petit morceau de terre où ils plantaient des pommes de terre pour se nourrir. Avec cette culture la production abâtardie snmsait à peine à la subsistance de la population rurale ; les fermages se payaient mal, et pour congédier les tenanciers, il fallait des sièges en règle où le sang coulait trop souvent. Telle était la situationiorsqu’amvala disette de 1846. Le gouvernement britannique distribua des vivres, des vêtements, des graines à semer ; on ouvrit des ateliers de travaux publics, on recueillit dans tes m isons de charité les individus qui consentirent à y entrer, et l’on donna des secours aux autres. Des avances furent faites aux propriétaires disposés à exécuter dans leurs domaines des travaux d’amélioration. Une commission fut chargée de prononcer, sur la demande des créanciers ou des propriétaires, la vente des biens chargés d’hypothèques, de présider à la liquidation et de consolider les titres de propriété. Enfin l’émigration fut encouragée par tous les moyens qu’on put imaginer et les départs se multiplièrent au point de s’élever en cinq années, de 1848 à 1852, jusqu’à un total de 1,092,640. Ce ne furent pas, du reste, les colonies du RoyaumeUni qui en profitèrent ; sa domination étant aussi peu sympathique aux Irlandais au delà qu’en deçà des mers, ils allèrent rejoindre aux Etats-Unis ceux de leurs compatriotes qui S’y étaient déjà établis.

La crise était passée on constatait, de 1851 à 1856. une augmentation dans le taux des salaires, dans l’étendue des cultures, dans le nombre et la valeur des bestiaux, et en même temps une diminution considérable dans le nombre des indigents et des individus accusés de crimes et de délits. Les haillons et les chaumières en bousillage devenaient plus rares ; la nourriture s’améliorait ; on se plaisait à croire que le pays allait jouir de longues années de tranquillité. Ce qu’on voyait n’était pourtant qu’un de ces calmes qui séparent les paroxysmes d’un mal chronique ; la guérison était d’autant moins avancée que certains des expédients employés occasionnaient même de nouvelles complications. Ainsi, en facilitant la liquidation des biens chargés d’hypothèques, on n’avait pas songé à ordonner qu’il serait alloué aux tenanciers une juste indemnité pour les améliorations qu’ils avaient faites, de sorte que les nouveaux propriétaires en profitaient sans les payer et pouvaient en priver les tenanciers en les congédiant au bout de l’année, suivant la coutume du pays. A nette cause d’irritation s’ajoutèrent les excitations à la révolte qui arrivèrent des Et~N-Cûis. Parmi les Irlandais émigrés en ce pays et toujours animés des mêmes sentiments de haine, il se trouva des hommes imbus en outre de l’esprit révolutionnaire, qui formèrent sous le nom de fenians une association armée contre l’Angteterre. Après une irruption infructueuse dans le Canada, ils vinrent porter le désordre en Irlande, et leur action malfaisante fut secondée par le renchérissement des subsistances, ainsi que par les exigences inqualifiables de certains propriétaires. Les crimes reparurent avec la misère. Les rôles des assises furent encore chargés d’accusations capitales et le nombre des pauvres, qui était descendu à 170,000 en 1860, remonta à 300,000 en 1868.

Heureusement il y avait dans le Parlement britannique une majorité plus libérale et plus éclairée qu’au temps passé. Avec son appui, le