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ALGÉRIE, 181-186.

l’État une surface effective et utilisable de plus de six cent mille hectares de terre. Il a donc été possible de donner une impulsion nouvelle à la création des centres considérés comme devant servir de cadre à la colonisation libre et de marché à la propriété indigène. À cette occasion, la législation a été remaniée d’abord par deux décrets des 16 octobre 1871 et 10 octobre 1872 et, en dernier lieu, par un décret du 15 juillet 1874. La transmission des biens indigènes a été, par la loi du 26 juillet 1873, entourée des garanties qui accompagnent en France les mutations de propriété ; enfin, les lois du 15 septembre 1871 et 18 décembre 1872 ont affecté à la colonisation de l’Algérie par les Alsaciens-Lorrains ayant opté pour la nationalité française, des ressources importantes en terres et en argent.

181. Dans ce dernier état, et sauf l’intervention trop rare de l’initiative individuelle, l’État reste chargé des dépenses de création des centres et de la préparation des lots. L’attribution des lots est réglementée, comme il vient d’être dit, par le décret du 15 juillet 1874, dont voici les principales dispositions :

« Le gouverneur général est autorisé à consentir, sous promesse de propriété définitive, des locations de terres domaniales d’une durée de cinq années en faveur de tous Français d’origine européenne ou naturalisés qui justifieront de la possession de ressources suffisantes pour vivre pendant une année. — À titre de récompense exceptionnelle, la même faveur pourra être accordée, le conseil de gouvernement entendu, à tous indigènes non naturalisés qui auront rendu des services signalés à la France, en servant dans les corps constitués de l’armée de terre et de mer. — La liste des concessionnaires de cette dernière catégorie sera publiée trimestriellement (art. 2).

182. « La location est faite à la condition de résidence personnelle sur la terre louée pendant toute la durée du bail (art. 3).

« Le locataire payera annuellement et d’avance, à la caisse du receveur de la situation des biens, la somme d’un franc, quelle que soit l’étendue de son lot (art. 4).

« La contenance de chaque lot est proportionnée à la composition de la famille, à raison de dix hectares au plus et de trois hectares au moins par tête, hommes, femmes, enfants. (Les gens à gages ne comptent pas.) — Les célibataires pourront être admis aux concessions ; ils ne jouiront sur leur lot que d’une superficie maximum de dix hectares. — Le complément leur sera remis après seulement qu’ils auront contracté mariage et, jusque-là, il restera entre les mains de la commune qui en aura la jouissance provisoire. — Après le délai de cinq ans, si le concessionnaire n’est pas marié, l’État pourra disposer du complément réservé, soit au profit de la commune, soit au profit d’un particulier. — L’étendue d’une concession ne pourra être moindre de vingt hectares ni excéder cinquante hectares, si l’attribution est comprise sur le territoire d’un centre de population ; elle pourra atteindre cent hectares, s’il s’agit de lots de fermes isolées (art. 5).

183. « À l’expiration de la cinquième année, le bail sera converti en titre définitif de propriété, sous la simple réserve de ne point vendre, pendant une nouvelle période de cinq ans, à tous indigènes non naturalisés. En cas de contravention à la défense qui précède, la concession sera résolue de plein droit au profit de l’État. — Ce titre de propriété, établi par le service des domaines, est enregistré gratis et transcrit sans autres frais que le salaire du conservateur, le tout à la diligence du service des domaines et aux frais du titulaire (art. 6).

« Pendant cinq ans, le concessionnaire, devenu propriétaire, sera affranchi de tous impôts qui, devant être perçus au profit de l’État, pourraient être établis sur la propriété immobilière en Algérie (art. 10).

184. « Les terres qui ne se prêtent pas à la création de villages, et qui sont alloties sous la dénomination de fermes isolées, d’une contenance variant entre les limites extrêmes de cinquante à cent hectares, pourront être vendues aux enchères publiques dont les indigènes non naturalisés seront exclus. — L’acquéreur ne pourra revendre sa terre, avant dix années, à des indigènes non naturalisés. — En cas de contravention à la défense qui précède, la concession sera résolue de plein droit au profit de l’État » (art. 12).

Les dispositions secondaires du décret du 15 juillet 1874 règlent les conditions et circonstances dans lesquelles le droit au bail pourra être cédé, transféré à titre de garantie, et mis en adjudication, en cas de résiliation pour inexécution des conditions ou défaut de paiement des emprunts contractés pour se procurer le cheptel et les semences.

185. Mais il convient de mentionner spécialement l’article 11 rédigé en vue surtout de la Société de protection des Alsaciens-Lorrains qui, sous la présidence de M. le comte d’Haussonville, a établi à ses frais ou doit établir, avant le mois d’octobre 1875, quatre-vingt-dix familles dans les villages d’Azib-Zamoun et de Bou-Khalfa (département d’Alger). Cette Société, aux termes de l’article 11, a reçu, et celles qui s’établiraient à son exemple recevraient des concessions de terre à la charge d’en consentir la rétrocession au profit de familles d’ouvriers ou de cultivateurs d’origine française, dans les délais stipulés par l’administration. Ces familles sont installées au même titre et aux mêmes conditions que les colons ordinaires ; mais la Société que nous venons de nommer a pris le soin particulier d’attacher ses protégés à la terre qu’ils devront cultiver, en consacrant à l’établissement de chaque famille une somme d’environ 7,000 fr. (Rapport de M. Guynemer à la Société de protection, du 15 mai 1874.)

186. Sans être aussi richement dotés, les colons qui doivent leur établissement à l’État depuis 1871, ont reçu, outre la concession de 25 hectares en moyenne, une maison revenant de 2,000 à 2,500 fr., suivant les localités, une charrue, une paire de bœufs, une herse, quelques menus outils, des semences et enfin des rations de vivres de campagne ou une indemnité journalière les représentant, jusqu’au moment de la première récolte. « Il est certain qu’une famille laborieuse, sobre et habituée aux travaux de la campagne, doit, dans ces conditions, arriver à l’aisance au bout de quelques années. » (Rapport inséré au Journal officiel du 26 janvier 1875.)