Page:Block - Dictionnaire de l’administration française, tome 1.djvu/950

Cette page n’a pas encore été corrigée

EXPROPRIATION, 2, 3. EXPROPRIATION, 4-6.

qui forme aujourd’hui le code à peu près complet de la matière(1), sont ainsi conçus :

« Art. 1er . L’expropriation pour cause d’utilité publique s’opère par autorité de justice.

« Art. 2. Les tribunaux ne peuvent prononcer l’expropriation qu’autant que l’utilité en a été constatée et déclarée dans les formes prescrites par la présente loi. Ces formes consistent 1° dans la loi ou l’ordonnance royale qui autorise l’exécution des travaux pour lesquels l’expropriation est requise ; 2° dans l’acte du préfet qui désigne les localités ou territoires sur lesquels les travaux doivent avoir lieu, lorsque cette désignation ne résulte pas de la loi ou de l’ordonnance royale 3° dans l’arrêté ultérieur par lequel le préfet détermine les propriétés particulières auxquelles l’expropriation est applicable. Cette application ne peut être faite à aucune propriété particulière qu’après que les parties intéressées ont été mises en état d’y fournir leurs contredits, selon les règles exprimées au titre II.

2. De ces articles il résulte d’abord’que, tout au moins dans la pensée du législateur et dans la nature ordinaire des choses, l’expropriation n’est faite que pour les immeubles proprement dits. Aussi a-t-il été jugé par le Conseil d’État, les 26 août et 21 octobre 1835, que la loi du 7 juillet 1833 (aujourd’hui remplacée par celle de 1841) n’a pour objet que l’expropriation foncière, et qu’ainsi, à moins qu’une loi spéciale ne s’en soit formellement expliquée, elle ne s’applique pas à une demande en indemnité pour cause d’interdiction de l’exercice d’une industrie*. De même, il a été reconnu par la Cour de cassation, le 3 mars 1826, qu’aucune disposition légale n’autorise l’expropriation des droits d’un auteur pour cause d’utilité publique, et ce principe est évidemment applicable aux biens incorporels de toute nature.

3. Même quant aux immeubles, l’expropriation ne se comprend réellement que pour les biens qui sont immeubles par leur nature, et non pour ceux qui ne sont tels que par leur destination ou par l’objet auquel ils s’appliquent.

Enfin, il est des immeubles proprement dits qui ne sont pas susceptibles de rentrer dans les dispositions de la loi du 3 mai 1841, notamment les canaux et les chemins de fer concédés à des compagnies. A proprement parler, ces voies de communication, même concédées à perpétuité ne constituent pas de véritables propriétés c’est seulement le domaine utile qui est attribué aux concessionnaires par des contrats d’une espèce particulière, et auxquels la législation ordinaire de l’expropriation ne saurait guère être justement et utilement appliquée. Aussi une loi spé-.ciale du 29 mai 1845 est-elle intervenue pour conférer à l’État la faculté de racheter, pour cause d’utilité publique, les actions de jouissance des canaux exécutés ou achevés en vertu des lois i. Si les exigences du cadre dans lequel nous devons nous renfermer ne s’y fussent pas opposées, nous aurions rappelé brièvement l’esprit et les principes généraux de la législation ultérieure à 1841, notamment de notre ancien droit, des lois des 6 7 Il septembre 1790, 28 pluviôse an VIII, 16 septembre 1807, 8 mars 1810 et 7 juillet 1833.

2. Suit-il de lâ qu’aucune indemnité ne soit due dans ce cas ? C’est une autre question, que nous n’avons pas à examiner ici.

de 1821 et de 18221. Pour les chemins de fer, les cahiers des charges stipulent et règlent en général la faculté de rachat. (Voy. Chemins de fer d’intérêt général, n° 47.)

4. L’expropriation, c’est la dépossession, c’est la translation de la propriété privée entre les mains de l’administration (ou des concessionnaires substitués à l’administration), qui en a besoin pour l’exécution d’un travail public. Si donc il n’y a pas déplacement total ou partiel de la propriété, s’il y a seulement dommage causé à cette propriété, diminution des avantages ou des émoluments qu’elle produirait, il peut bien y avoir encore pour le propriétaire un droit à indemnité ; il n’y a pas expropriation, et, par suite, il n’y a pas lieu à l’application de la loi du 3 mai 1841. En d’autres termes, les indemnités dues pour dommages, même permanents, qui étaient réglées, avant les lois de 1810, 1833 et 1841, par la juridiction administrative, doivent continuer à être réglées par cette juridiction, les lois dont il s’agit n’ayant changé la compétence à cet égard qu’en ce qui touche l’expropriation. Cette question, sur laquelle le Conseil d État et la Cour de cassation étaient en dissidence avant 1850, a été tranchée, dans le sens de la jurisprudence du Conseil d’État, par diverses décisions du tribunal des conllits, en date des 29 mars, 3 avril, 17 juillet 1850, etc. ; i et, depuis lors, la Cour de cassation a formellement accepté cette solution par un arrêt du 29 mars 1852.

5. L’expropriation est une dérogation au principe de l’inviolabilité de la propriété elle doit donc être renfermée dans les limites de l’intérêt social qui l’a fait établir et qui seul la justifie, c’est-à-dire de l’utilité publique légalement constatée. Elle ne peut, dès lors, être opérée dans l’intérêt privé, quelle que soit la gravité ou la nature de cet intérêt. Le Conseil d’État a jugé, par exemple (24 décembre 18181, qu’un particulier ne peut être contraint à céder sa propriété pour fournir le passage au canal d’une usine, et l’on peut citer, dans le même sens, une autre décision du même Conseil, du 7 mars 1821, ainsi qu’un arrêt de la Cour de cassation du 22 avril 1823.

6. Toutefois l’utilité publique, dans le sens des lois de cette matière, n’est pas restreinte à l’utilité générale de l’État. Les travaux des départements et des communes présentent aussi un caractère d’utilité qui suffit pour autoriser l’expropriation. Telle était déjà la disposition des lois antérieures, notamment des art. 30 et 35 de la loi du 16 septembre 1807 elle a été confirmée par l’art. 3 des lois des 7 juillet 1833 et 3 mai 1841. De plus, la loi du 10 juin 1854 sur le drainage et la loi du 21 juin 1865 sur les associations syndicales ont attribué le même caractère aux travaux de certaines associations constituées en vertu de ces lois.

Mais c’est à ces administrations ou êtres collectifs qu’est limité le droit de poursuivre l’expropriation pour cause d’utilité publique. Les hospices eux-mêmes ne l’ont pas aussi, lorsqu’il s’agit d’arriver par cette voie à l’exécution de 1. On peut consulter, comme exemples d’application de cetta loi, divers décrets des 21 janvier et 13 mai 1852.