Page:Block - Dictionnaire de l’administration française, tome 1.djvu/95

Cette page a été validée par deux contributeurs.
79
ALGÉRIE, 174-180.

d’usage, par exemple par la voie du cantonnement, conformément au Code forestier qui est exécutoire en Algérie, dans la mesure où les circonstances de temps et de lieu en permettent l’application. (Cass. 17 nov. 1865, Leinen ; 29 déc. 1870, Alary.)

La concession et l’exploitation des forêts de chênes-liége ont donné lieu à de nombreux règlements ; le dernier est le décret du 2 février 1870, qui détermine les conditions auxquelles les forêts de l’État seront cédées, en toute propriété, aux titulaires de concession d’exploitation.

art. 2. — colonisation.

174. Depuis qu’à la période de guerre a succédé la période de pacification, la colonisation est devenue, pour l’Algérie, la question principale. Ce n’est pas ici le lieu de rechercher pourquoi elle a fait jusqu’à ce jour si peu de progrès ; les obstacles qu’elle a rencontrés sont de l’ordre politique beaucoup plus qu’ils ne procèdent de l’imperfection des mesures administratives, qu’on peut, d’ailleurs, apprécier diversement.

175. Ces mesures ont généralement consisté dans la création de centres européens et dans la concession gratuite de terres cultivables ; on a considéré que lorsque le gouvernement fondait un village et y appelait des colons, il prenait l’engagement moral de les installer dans des conditions favorables à leur prospérité, c’est-à-dire de leur procurer, indépendamment de la terre et de la maison, l’eau, l’assainissement du sol, des routes pour écouler leurs produits et les établissements nécessaires pour le culte et l’instruction. En outre, la pauvreté des émigrants a obligé à leur fournir, soit en argent, soit en nature, des instruments de travail et les moyens de vivre au moins jusqu’à la première récolte. C’est ce qui a été pratiqué notamment pour les colons envoyés en Algérie en exécution d’une loi du 19 septembre 1848. Quoique des ouvriers parisiens fussent mal préparés à devenir des colons cultivateurs, plusieurs des colonies de 1848 sont aujourd’hui en pleine prospérité.

176. La concession gratuite d’espaces restreints dans les centres créés ou de surfaces plus considérables accordées à des capitalistes en dehors des centres, a été, jusqu’en 1860, le seul mode d’aliénation des biens du domaine de l’État. Elle a été d’abord accordée sous condition suspensive, à la charge de ne pouvoir, sous peine de déchéance, hypothéquer les biens concédés provisoirement, ni les transmettre à des tiers qu’avec l’agrément de l’autorité administrative, ce qui enlevait au concessionnaire tout moyen de crédit. (Ord. 21 juill. 1845, art. 9.) Le décret du 26 avril 1851 substitua la propriété sous condition résolutoire à la propriété sous condition suspensive, en imposant l’exécution de travaux de mise en valeur. Sous ces diverses formes, la concession constituait un acte administratif dont l’interprétation était et reste encore aujourd’hui du ressort de l’autorité administrative. (Cass. 20 nov. 1865, Compagnie génevoise de Sétif.) Bientôt un décret du 28 juillet 1860 changea tout ce système et fit de la vente à prix fixe, aux enchères, ou même en certains cas de gré à gré, le droit commun en matière d’aliénation du domaine.

177. Dans les prévisions de ses auteurs, cette législation nouvelle n’entraînait aucune lenteur, n’amenait aucune difficulté ; le prix de chaque lot étant déterminé d’avance, quiconque voulait en acquérir un ou plusieurs n’avait qu’à faire sa demande, déposer le tiers du prix fixé, et le lendemain du jour où il s’était présenté, il pouvait disposer, comme il l’entendait, de la terre qu’il avait acquise, sans être assujetti à aucune obligation de mise en valeur. L’État s’en rapportait à l’intérêt de l’acquéreur et à son intelligence du soin de tirer parti de ce qu’il avait acheté et de ce qu’il devait achever de payer dans un laps de deux ans. On réservait d’ailleurs les enchères publiques pour les terres qui, par leur position rapprochée d’une ville ou d’un village, par des facilités d’irrigation ou enfin par des conditions spéciales quelconques, avaient une valeur vénale assez considérable et devaient être recherchées par un certain nombre de personnes. La vente de gré à gré n’était autorisée que dans les cas exceptionnels d’indivision, d’enclave, de préemption légale ou de possession de bonne foi. (Déc. 25 juill. 1860, art. 17.)

178. Les concessions restaient permises à titre exceptionnel ; le décret du 31 décembre 1864 les supprima d’une manière absolue, en prescrivant, comme mode à employer exclusivement, pour l’aliénation des terres domaniales, la vente à prix fixe et à bureau ouvert, sauf quelques exceptions prévues aux articles 11 et 13, pour des cas spéciaux d’utilité publique. Le même décret affranchit les concessions déjà faites de toute clause résolutoire autre que celle du paiement ou du rachat de la rente (art. 12).

179. Les ventes à prix fixe nécessitaient un lotissement préalable ; une circulaire du gouverneur général, du 10 février 1865, détermina les règles à suivre pour la fixation des nouveaux périmètres de colonisation et prescrivit de tenir des surfaces suffisantes toujours disponibles et alloties ; mais l’administration pensait que ces surfaces ne pouvaient être que celles où la création de centres permettait d’installer une population européenne dans des conditions de sécurité, de salubrité et sur des points convenablement pourvus d’eau et de moyens de communication. Tout dépendait donc de son initiative, et cette initiative elle-même était subordonnée au pouvoir de disposer de surfaces à la fois vastes et bien situées. À cet égard, les ressources étaient, pour des raisons que nous n’apprécions pas, moins grandes qu’on ne le croit généralement. Ainsi, un exposé présenté, le 16 octobre 1869, au conseil supérieur, par le gouverneur général, établissait qu’à ce moment 15,382 hectares étaient allotis, pour l’emplacement de onze villages ou hameaux pouvant contenir 437 feux dont 241 pour des colons algériens et 196 seulement pour des colons européens. Si, d’autre part, on considère que l’incertitude de la propriété indigène mettait obstacle aux transactions qui auraient pu faire passer des terres aux mains des Européens, on s’étonnera moins du peu d’importance du courant de l’émigration vers l’Algérie.

180. Les appositions de séquestre à la suite de l’insurrection de 1871 ont mis aux mains de