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ALGÉRIE, 116-122.

tière civile, à la justice indigène, une indépendance absolue à l’égard de la justice française ; le décret du 31 octobre 1859 a consacré le droit d’appel des jugements des cadis devant les tribunaux français. En outre, tout en reconnaissant que la loi musulmane régissait toutes les conventions et toutes les contestations civiles et commerciales entre indigènes musulmans, il a déclaré que ces indigènes étaient libres de contracter sous l’empire de la loi française et qu’une simple déclaration de leur part entraînerait l’application de cette loi, ainsi que la compétence des tribunaux français.

116. Ces principes ont été maintenus par le décret du 13 décembre 1866, qui confère en outre aux indigènes musulmans la faculté de porter, d’un commun accord, leurs contestations devant la justice française (art. 2). Il est alors statué d’après les principes du droit musulman. Le même décret règle les formes suivant lesquelles la justice est rendue par les cadis, les juges de paix, les tribunaux de première instance et la cour d’appel d’Alger, confie au gouverneur général de l’Algérie la détermination des circonscriptions judiciaires (art. 6), organise la surveillance des tribunaux indigènes par l’autorité française, en territoire civil et en territoire militaire, constitue le personnel de chaque mahakma de cadi, trace enfin une procédure simplifiée pour les divers degrés de juridiction. Il faut se reporter au texte, dans le détail duquel on ne peut entrer ici.

117. Nous nous bornons aussi à une simple indication, en ce qui concerne la justice musulmane dans la région Saharienne. Son organisation et son mode d’administration sont réglés par le décret du 8 janvier 1870 qui reproduit la plupart des dispositions de celui de 1866, en subordonnant toutefois le droit d’appel à des conditions plus rigoureuses, à cause de la distance qui existe entre le Sahara et le siége des tribunaux français.

118. L’organisation de la justice civile et répressive en Kabylie résulte des décrets du 29 août et du 10 octobre 1874. Partout où les juges de paix français sont institués, le cadi perd ses attributions de juge et continue seulement d’exercer les fonctions de notaire entre musulmans, concurremment avec les notaires français, et de procéder à la liquidation et au partage des successions musulmanes, sauf à saisir, en cas de difficulté, le juge de paix, qui statue comme en matière de référé.

Le cercle de Fort-National, situé en territoire militaire, est assujetti à des règles spéciales ; la juridiction du cadi y est remplacée par des djemaâs de justice constituées dans chacune des sections de la commune indigène. (Déc. 29 août 1874, art. 21.)

art. 3. — répression des infractions spéciales à l’indigénat.

119. Tant qu’a duré l’état de guerre, la répression des faits criminels ou délictueux commis par les indigènes s’est confondue avec l’action militaire ; les peines individuelles, appliquées par les conseils de guerre, peines corporelles ou amendes, ont participé de l’arbitraire des mesures de sûreté publique ; la difficulté de découvrir les auteurs des assassinats et des vols, au milieu d’une population hostile, a, d’ailleurs, obligé à chercher des garanties dans la responsabilité collective des tribus et de leurs chefs, aghas ou kaïds, plus spécialement préposés au maintien de l’ordre et à la répression du brigandage. (Circ. du gouv. gén. du 8 janvier 1844.)

Le maréchal Bugeaud s’est, le premier, appliqué à réglementer cette matière, de manière à supprimer autant que possible les abus, surtout ceux qui touchaient aux perceptions de toute nature. En conservant le principe des amendes imposées de tout temps par la législation musulmane, il a réglé, par une circulaire du 12 février 1844, les causes de l’imposition, la quotité des perceptions, la compétence des autorités ayant pouvoir de les ordonner, le mode de les prescrire et de les percevoir. Il faut encore remonter à cette circulaire pour y trouver l’énumération de ce qu’on a appelé plus tard les infractions spéciales à l’indigénat, c’est-à-dire des faits qui, échappant en France à toute répression ou n’étant frappés que de peines insignifiantes, empruntent, en Algérie, une gravité exceptionnelle à l’intention hostile de leur auteur ou aux conséquences possibles de leur accomplissement.

120. Un arrêté du prince-ministre, du 21 septembre 1858, a cherché à régulariser par l’institution de commissions disciplinaires « la répression des crimes et des délits commis par les indigènes et qui ne sont pas déférés aux tribunaux ordinaires. » Cet arrêté a été bientôt remplacé par celui du 5 avril 1860 qui a institué une commission disciplinaire à Alger, près du commandant supérieur, et dans chaque chef-lieu de subdivision et de cercle. Ces commissions, dit l’article 4 de l’arrêté, connaissent des actes d’hostilité, crimes et délits, commis par les indigènes, en territoire militaire, et qu’il est impossible de déférer aux tribunaux civils ou aux conseils de guerre.

121. En 1872, un nouvel arrêté a réorganisé les commissions disciplinaires, au point de vue de l’application du régime civil. Ce régime venait d’être appliqué, sans transition suffisamment ménagée, à des territoires militaires où l’organisation judiciaire française n’était pas introduite ; l’arrêté précité, rendu à la date du 26 février 1872, a eu pour but de mettre à la disposition des chefs des nouvelles circonscriptions cantonales des pouvoirs de répression qu’ils ne trouvaient pas dans le principe de leur institution et auxquels leur qualité d’agents civils ne leur permettait pas de suppléer.

Dans cet arrêté, se découvre une tendance à ne pas distinguer entre le territoire militaire et le territoire civil et à ne prendre en considération que la qualité d’indigène chez l’auteur des faits délictueux, indépendamment du lieu où ils ont été commis. Le décret du 29 août 1874, sur l’organisation judiciaire de la Kabylie, étendu à tous les territoires civils de l’Algérie par le décret du 10 septembre 1874, a rétabli la distinction, qui avait cessé d’être nettement accusée.

122. « En territoire civil, dit l’art. 17 du décret du 29 août 1874, les indigènes non naturalisés pourront être poursuivis et condamnés aux peines de simple police fixées par les art. 464,