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ALGÉRIE, 10-16.

sait alors que, dans les territoires civils, il fallait faire cesser la tutelle étroite qui était exercée par le pouvoir sur les intérêts et sur les personnes, et que le moment était venu d’accorder à l’autorité locale une action plus libre et plus directe, en lui permettant d’administrer avec plus d’indépendance et par là même avec plus de responsabilité. (Rapport à l’Empereur du 30 août 1858.) Le ministère spécial n’eut pas le temps de réaliser ce programme : un décret du 10 décembre 1860 a de nouveau centralisé à Alger, sous l’autorité d’un gouverneur général, le gouvernement et la haute administration de l’Algérie ; à travers diverses alternatives, ce régime, modifié par le décret du 7 juillet 1864, a prévalu jusqu’à l’heure où nous écrivons. (Voy. le Supplément annuel.)

Sect. 2. — Législation actuelle.

10. Les pouvoirs du gouverneur général sont de la nature des pouvoirs ministériels ; il est au lieu et place du ministre de l’Algérie, en tout ce qui n’exige pas de rapports personnels avec le chef de l’État ou d’action directe auprès du Conseil d’État ou des assemblées politiques. En ce qui concerne ces rapports, l’article 7 du décret du 10 décembre 1860 voulait qu’ils fussent entretenus par l’intermédiaire du ministre de la guerre à qui le contre-seing des décrets était attribué. Cette fonction appartient actuellement au ministre de l’intérieur, en vertu des décrets des 29 mars et 6 mai 1871, qui ont, le premier, nommé un gouverneur général civil, et le second déclaré que le budget du gouvernement général (qu’un décret rendu à Bordeaux et non exécuté, du 4 février 1871, avait réparti entre les divers ministères), était rétabli et distrait du ministère de la guerre pour former désormais une annexe à celui du ministère de l’intérieur (art. 2).

11. La justice, la marine, la guerre, l’instruction publique et les cultes rentrent dans les attributions des départements ministériels auxquels ils ressortissent en France, en sorte que, pour ces différents services, la correspondance s’établit directement entre les fonctionnaires qui sont placés à leur tête en Algérie et les ministres. Cette correspondance n’est pas exclusive de celle que les chefs de service entretiennent avec le gouverneur général ; mais l’absence de lien de subordination laisse à ces communications un caractère officieux. Lorsque le gouverneur général civil remplit les conditions voulues par la loi pour exercer un commandement militaire, il peut recevoir, par une délégation spéciale des ministres de la guerre et de la marine, le commandement supérieur des forces de terre et de mer. (D. du 10 juin 1873.)

12. Le gouverneur général a sous ses ordres un directeur général des affaires civiles et financières. (Déc. 26 décembre 1860 et 29 mars 1871.) La direction générale des services civils comprend trois divisions dont les attributions sont déterminées ainsi qu’il suit : 1re , administration générale, provinciale et communale ; 2e, domaine, colonisation et travaux publics ; 3e, comptabilité générale, services financiers, douanes, commerce et industrie. (Déc. 26 décembre 1860, art. 1er .)

13. Cette énumération ne donnerait qu’une idée très-incomplète des pouvoirs du gouverneur général. Il faut, pour pénétrer dans le détail, consulter l’article 12 du décret du 27 octobre 1858, maintenu par les articles 7 du décret du 10 décembre 1860, et 1er  du décret du 7 juillet 1864, qui renferme la liste des affaires réservées au gouverneur à l’exclusion des préfets. Il est vrai que des dispositions spéciales ont porté plus d’une atteinte à cette législation déjà ancienne ; nous signalerons autant que possible ces modifications. Pour n’en citer ici que deux exemples, l’application de la loi du 10 août 1871 en Algérie (voy. infrà, no 37) soustrait au gouverneur général le classement et le déclassement des routes départementales, et le décret du 18 décembre 1874 place les prisons sous l’autorité directe du ministre de l’intérieur.

14. Pour une partie des affaires réservées au gouverneur général, le décret impérial du 30 avril 1861 fait de l’intervention du conseil de gouvernement une condition de légalité. Ce conseil assiste le gouverneur général de l’Algérie et se réunit sous sa présidence. Sont membres de ce conseil : le directeur général des affaires civiles et financières ; le premier président de la Cour d’appel d’Alger ; le procureur général ; le commandant supérieur de la marine ; le commandant supérieur du génie ; l’inspecteur général des travaux civils ; l’inspecteur général des finances ; le recteur de l’Académie d’Alger ; le chef d’état-major du commandant en chef des forces de terre et de mer, chargé des affaires indigènes. L’archevêque d’Alger a entrée au conseil de gouvernement. Deux conseillers rapporteurs, à la nomination du gouverneur général, assistent aux séances avec voix délibérative. Un secrétaire est chargé de la rédaction des procès-verbaux et de la tenue des archives.

Les préfets des départements et les officiers généraux commandant les divisions territoriales peuvent être appelés par le gouverneur général à assister aux séances du conseil de gouvernement. Ils font partie du conseil supérieur. (Voy. infrà, no 16, et déc. 11 septembre 1873.)

Les attributions du conseil de gouvernement restent déterminées par les décrets des 10 décembre 1860 et 30 avril 1861. (D. du 7 oct. 1871.)

15. Chaque année, les conseils généraux de l’Algérie élisent, dans la session pendant laquelle ils sont appelés à voter le budget, cinq délégués qui, réunis au conseil de gouvernement à Alger, y forment un conseil supérieur de gouvernement dont les attributions sont déterminées par le décret du 10 décembre 1860, art. 12. La principale est d’émettre un avis sur le budget annuel de l’Algérie, l’assiette et la répartition des divers impôts.

Le conseil supérieur de gouvernement se réunit en session ordinaire, après la session dans laquelle les conseils généraux ont été appelés à voter le budget. Le gouverneur général civil le convoque en session extraordinaire toutes les fois qu’il y a lieu. (D. 7 oct. 1871, art. 3 et 4.)

16. Le budget général de l’Algérie, ainsi préparé par le gouverneur général, en conseil supérieur, est adressé par lui au ministre de l’intérieur (D. 6 mai 1871), et il est ensuite voté par le pouvoir législatif, avec le budget général de l’État.