Page:Block - Dictionnaire de l’administration française, tome 1.djvu/624

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
608
CONSEIL GÉNÉRAL, 18-23

donnait aux conseils généraux le droit de vérifier eux-mêmes les pouvoirs de leurs membres. La loi maintenait à tout électeur du canton le droit de protester contre les opérations électorales (art. 15). Aucun recours ne pouvait être formé contre les décisions prises par les assemblées départementales en matière de vérification de pouvoirs (art. 16). Le Conseil d’État donnait à cette disposition l’interprétation la plus étendue. Plusieurs fois des intéressés ayant attaqué pour excès de pouvoirs des délibérations de cette nature, furent déclarés non recevables. (Arr. du C. d’État : 4 juill. 1872, élect. de Calaccucia ; 23 juill. 1872, élect. de Montpezat ; 22 mars 1875, élect. de Castries.)

18. Cette latitude laissée aux assemblées départementales n’avait point été sans produire dans la pratique de graves inconvénients tout en justifiant, au point de vue théorique, les plus sérieuses critiques. La loi du 31 juillet 1875 a confié au Conseil d’État statuant au contentieux le soin de juger les protestations et a substitué aux anciens art. 15 et 16 les dispositions suivantes :

« Art. 15. Les élections pourront être arguées de nullité par tout électeur du canton, par les candidats et par les membres du conseil général. Si la réclamation n’a pas été consignée dans le procès-verbal, elle doit être déposée, dans les dix jours qui suivent l’élection, soit au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d’État, soit au secrétariat général de la préfecture du département où l’élection a eu lieu. — Il en sera donné récépissé. — La réclamation sera, dans tous les cas, notifiée à la partie intéressée dans le délai d’un mois à compter du jour de l’élection. — Le préfet transmettra au Conseil d’État, dans les dix jours qui suivront leur réception, les réclamations consignées au procès-verbal ou déposées au secrétariat général de la préfecture. — Le préfet aura, pour réclamer contre les élections, un délai de vingt jours à partir du jour où il aura reçu les procès-verbaux des opérations électorales : il enverra sa réclamation au Conseil d’État ; elle ne pourra être fondée que sur l’inobservation des conditions et formalités prescrites par les lois.

« Art. 16. Les réclamations seront examinées au Conseil d’État suivant les formes adoptées pour le jugement des affaires contentieuses. Elles seront jugées sans frais, dispensées du timbre et du ministère des avocats au Conseil d’État ; elles seront jugées dans le délai de trois mois à partir de l’arrivée des pièces au secrétariat du Conseil d’État. — Lorsqu’il y aura lieu à renvoi devant les tribunaux, le délai de trois mois ne courra que du jour où la décision judiciaire sera devenue définitive. — Le débat ne pourra porter que sur les griefs relevés dans les réclamations, à l’exception des moyens d’ordre public, qui pourront être produits en tout état de cause. — Lorsque la réclamation est fondée sur les capacités légales de l’élu, le Conseil d’État sursoit à statuer jusqu’à ce que la question préjudicielle ait été jugée par les tribunaux compétents, et fixe un bref délai dans lequel la partie qui aura élevé la question préjudicielle doit justifier de ses diligences. — S’il y a appel, l’acte d’appel doit, sous peine de nullité, être notifié à la partie dans les dix jours du jugement, quelle que soit la distance des lieux. Les questions préjudicielles seront jugées sommairement par les tribunaux et conformément au § 4 de l’art. 33 de la loi du 19 avril 1831.

19. Sur le nouvel art. 15, nous nous bornerons à faire une remarque : le droit du préfet semblerait, au premier abord, moins étendu que celui des électeurs, car la loi stipule que sa réclamation doit être basée sur « l’inobservation des conditions et formalités prescrites » ; mais ces expressions sont celles mêmes qu’employait l’art. 50 de la loi du 22 juin 1833 ; elles sont également reproduites par la loi du 5 mai 1855 (art. 46) en ce qui concerne les élections municipales. De ce rapprochement et de la déclaration faite par le rapporteur (voy. Journal officiel du 31 juillet, p. 6136) il résulte que l’Assemblée a entendu se référer purement et simplement aux traditions anciennes et à la jurisprudence du Conseil d’État. (C. Int. 14 août 1875.)

20. La loi ne dit pas dans quelle forme ni par quels agents sera faite la notification prescrite par l’art. 15, § 4. Il convient donc d’employer la voie administrative, mais en ayant soin d’exiger soit un reçu de la partie intéressée, soit un procès-verbal de l’agent chargé de la notification. Cette notification consiste, autant que possible, dans la remise d’une copie certifiée de la réclamation ; exceptionnellement et dans le cas où les pièces sont trop étendues, la copie peut être remplacée par un simple avis invitant l’intéressé à prendre sur place, et dans le délai que la section a fixé, communication du dossier à la préfecture. (Id.)

21. Cette modification importante a entraîné un autre changement dans l’art. 17 concernant les conseillers élus dans plusieurs cantons. D’après l’ancien art. 17, ces conseillers devaient faire connaître le canton pour lequel ils optaient dans les trois jours qui suivaient leur dernière élection vérifiée. Ils doivent maintenant déclarer leur option au président du conseil général dans les trois jours qui suivent l’ouverture de la session, et en cas de contestation à partir de la notification de la décision du Conseil d’État. À défaut d’option dans ce délai, le conseil général détermine, en séance publique et par la voie du sort, à quel canton le conseiller appartiendra.

En cas d’élection dans deux départements différents, les deux conseils généraux ont également le droit de procéder au tirage au sort. (Voy. Discussion, séance 19 juill. 1871.)

C’est également le sort qui désigne les membres à éliminer, lorsque le nombre de ceux qui ne sont pas domiciliés dans le département, mais qui, en conformité de l’art. 6, ont été élus parce qu’ils y payaient une contribution directe, dépasse le quart de l’effectif légal. Lorsqu’il y a contestation sur le point de savoir si tels ou tels conseillers sont domiciliés dans le département, le jugement de cette question d’état, qui d’après l’art. 17 primitif appartenait au conseil général, est remis aujourd’hui aux tribunaux civils. Par suite, quand une question préjudicielle s’élève sur le domicile, l’assemblée départementale sursoit et le tirage au sort est fait par la commission départementale pendant l’intervalle des sessions. Le tirage au sort n’est d’ailleurs applicable que s’il s’agit d’élections simultanées. Lorsque les élections ont eu lieu à des dates différentes, les derniers élus doivent seuls être exclus. (Voy. Circ. Int. 9 oct. 1874.)

22. La démission de membre d’un conseil général peut, soit émaner volontairement du conseiller, soit être prononcée d’office par l’assemblée départementale.

D’après l’art. 20 de la loi du 10 août 1871, les démissions volontaires sont remises soit au président du conseil général, soit au président de la commission départementale, qui en avise immédiatement le préfet ; le conseil général se borne à les enregistrer et n’a pas à se prononcer sur l’acceptation.

23. L’art. 18 comble une lacune de la législation antérieure en spécifiant quelle est l’autorité à laquelle il appartient de déclarer démissionnaire un conseiller qui, pour une cause survenue postérieurement à son élection, se trouve dans un des cas d’incapacité ou d’incompatibilité prévus par la