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CONSEIL D’ÉTAT, 55-59

au début de ce travail que, depuis le rétablissement du Conseil d’État en l’an VIII jusqu’à 1870, sauf pendant un intervalle de trois ans, de 1849 à 1852, le Chef de l’État avait exercé, avec le concours du Conseil d’État, la juridiction suprême en matière administrative. Le Conseil ne faisait que préparer les jugements qui n’avaient de valeur que par la signature du roi ou de l’empereur. On considérait qu’il y avait là une tradition monarchique qui ne pouvait être abandonnée sans péril pour la liberté de l’administration. En fait, le Gouvernement suivait toujours l’avis du Conseil d’État, et le législateur s’était appliqué à entourer l’exercice de cette juridiction du Chef de l’État de formes destinées à assurer une bonne justice au citoyen comme à l’administration, et il en avait même facilité extraordinairement l’accès. (Voy. nos 62 et 63.) La loi du 24 mai 1872 est revenue au système consacré par la loi de 1849. Elle porte dans son art. 9 : « Le Conseil d’État statue souverainement sur les recours en matière contentieuse administrative et sur les demandes d’annulation pour excès de pouvoir formées contre les actes des diverses autorités administratives. » Mais en même temps elle a enlevé au Conseil d’État le droit de statuer sur les conflits d’attributions entre l’autorité administrative et l’autorité judiciaire qui sont soumis à un tribunal spécial. (Voy. Conflit.) En donnant au Conseil d’État un pouvoir de juridiction propre, la loi nouvelle a entendu confirmer les garanties que ce tribunal a toujours données aux intérêts privés ; et l’on peut dire qu’il n’enlève pas de garanties à l’administration, puisque les membres du Conseil d’État, constamment mêlés à la préparation des actes administratifs, restent toujours au courant des nécessités des services publics et ne sont pas exposés à entraver son action légitime.

La loi a, du reste, pour empêcher les empiétements du Conseil d’État sur le domaine de l’administration pure, donné aux ministres le droit de revendiquer devant le tribunal des conflits les affaires portées à la section du contentieux et qui n’appartiendraient pas au contentieux administratif.

55. L’énumération des attributions du Conseil d’État en matière contentieuse ne se trouve dans aucune loi. La doctrine a établi qu’il statue dans trois conditions différentes : d’abord comme juge en premier et dernier ressort, en second lieu comme juge d’appel, enfin comme cour de cassation.

56. Il prononce comme juge en premier et dernier ressort : 1o sur les pourvois formés contre les actes du Chef de l’État qui blessent des droits, par exemple les décrets relatifs à la liquidation des pensions des fonctionnaires civils ou des militaires, les nominations d’officiers, etc. ;

2° Sur l’interprétation des actes émanés du Chef de l’État ou des souverains antérieurs à 1789, lorsque ces actes ont été faits dans l’exercice du pouvoir administratif (Voy., à titre d’exemple, le le décret sur conflit du 8 avril 1865, mines d’Anzin, et l’arrêt du 9 février 1854, Boutillot) ;

3° Sur certaines décisions des ministres qui blessent des droits sans avoir le caractère de jugements, par exemple, les décisions qui règlent le décompte d’un marché de fournitures ou qui rejettent les demandes de pensions formées par des fonctionnaires ;

4° Sur diverses matières spéciales, notamment les contestations relatives à la police et à l’administration intérieure de la Banque de France. (Art. 21, L. 22 avril 1806.) Une loi du 7 juin 1873 lui attribue le pouvoir de déclarer démissionnaire tout membre d’un conseil général de département, d’un conseil d’arrondissement ou d’un conseil municipal qui, sans excuse valable, aurait refusé de remplir une des fonctions qui lui sont dévolues par les lois. Enfin, la loi du 31 juillet 1875 le charge de statuer sur les réclamations relatives aux élections des membres des conseils généraux de département. (Voy. Conseil général.)

57. Il est juge d’appel des décisions rendues : 1o par les conseils de préfecture ; 2° par les commissions instituées pour fixer les indemnités de plus-value en exécution de l’art. 30 de la loi du 16 septembre 1807 ; 3° par les ministres dans le cas où ils prononcent comme juges ; 4° par les juridictions administratives instituées aux colonies.

58. Enfin il prononce comme cour de cassation, en se bornant à casser les actes irréguliers sans y substituer une autre décision, dans plusieurs cas.

Il statue sur les recours formés pour incompétence, violation des formes et de la loi, contre les arrêts de la Cour des comptes. (Art. 17, L. 16 sept. 1807.)

Il statue sur les recours formés pour incompétence et excès de pouvoirs, contre les décisions du conseil de révision pour le recrutement de l’armée. Il peut même être saisi d’un recours, pour violation de la loi, contre les décisions de ces conseils, mais par le ministre de la guerre seulement. (Art. 30, L. 27 juill. 1872.) (Voy. Excès de pouvoir.)

Il prononce sur les recours pour excès de pouvoir qui sont portés devant lui :

1° Contre les décisions des autres juridictions administratives qui statuent en dernier ressort, conseil de l’instruction publique, conseil départemental ;

2° Contre les actes de toutes les autorités administratives, maires, sous-préfets, préfets, ministres, Chef de l’État ;

3° Contre les actes des conseils administratifs dans le cas où ils ont un pouvoir propre, par exemple les conseils généraux et les commissions départementales. Il faut aussi remarquer qu’en ce qui concerne les commissions départementales, il peut, dans certains cas, annuler leurs décisions non-seulement pour excès de pouvoir, mais aussi pour violation de la loi ou d’un règlement d’administration publique. (Art. 88, L. 10 août 1871.)

Il prononce encore sur les règlements de juges, c’est-à-dire sur les débats de compétence qui s’élèvent entre les diverses juridictions administratives.

Enfin il statue sur les pourvois formés par les ministres dans l’intérêt de la loi. Mais les décisions rendues sur ces recours n’ont qu’un effet doctrinal. (Voy. arr. 8 avril 1842 (ministre de l’intérieur), — 13 avril 1850 (ministre des travaux publics), — 14 août 1867 (ministre des travaux publics, etc.)

Sect. 2. Organisation du conseil au contentieux.

59. Comment procède le Conseil d’État en matière contentieuse ? Comment s’introduisent, s’ins-